Et voilà que
la ferveur des protestations des diplômés chômeurs s’affaiblit et devient
modérée.
Le temps d’un été.
À ce propos, et en parlant des ressortissants marocains à l’étranger - R.M.E. (Résidents
Marocains à l’Étranger) comme on les appellent officiellement - il faut signaler
que déjà les transactions de leurs affaires commerciales ou touristiques depuis
leurs pays de résidences, apporte à la trésorerie de l’État marocain une masse
considérable de devises. Pourtant l’on ne rencontrerait pas un parmi eux, qui
ne se soit pas plaint d’une vacherie quelconque, notamment au niveau
administratif, fief de prédilection j’allais dire pour ces marocains qui
viennent régler des litiges relatifs à des projets surtout dans l’immobilier, restés
souvent en suspens depuis l’été d’avant et qui se trouvent confrontés aussi et
toujours à la même mentalité administrative. D’ailleurs on ne leur accorde même
pas le droit de voter à partir de leur pays de résidence, leurs représentants au parlement de leur pays d'origine. « On veut notre argent
mais pas notre voix ! » disent les plus érudits de nos R.M.E. Mais
très attachés à leur terre d'origine, ils continuent toujours à envoyer l’argent pour les
membres de leurs familles restés en détresse au Maroc, faute de moyens légaux ou rusés pour les ramener vivre avec eux, et contribuent ainsi et malgré tout à
l’apport de devises au pays où ils ont droit à une action de reconnaissance se
limitant à une propagande au début de chaque saison estivale, destinée à les accueillir :
« Bienvenus dans votre pays ! »
Toujours est-il que moi, chômeur de ma situation de demandeur éternel d'emploi sans succès, je ne trouvais
jamais goût à partir en vacances.
Même lorsque
ma famille pouvait se permettre de fuir la chaleur torride du mois d’août pour
aller généralement vers la côte atlantique et toujours au même coin : «Azilah».
Cette petite ville, devenue plus connue grâce à son festival culturel depuis
les années soixante-dix et merveilleuse par ses plages et sa casbah, qui nous
a marqués depuis très jeunes, car on y passait tranquillement un mois de nos
vacances d’été chaque année, ne reste plus à la porté de gens comme nous aujourd’hui,
tellement privilégiée par les touristes du monde entier que le logement y
devient inaccessible. Ou encore vers les plages de « Moulay Bousselham » ou la majorité des estivants de chez nous passent ce mois-ci surtout pour sa proximité et son caractère très populaire.
Pour moi les vacances étaient synonymes de congés. Passés donc des jours de
distraction, de divertissement, de jeux, de bronzage idiot et de
rafraîchissement aussi, l’on est obligé de revenir au boulot. Sauf que moi,
sans boulot, j’étais en congé perpétuel. Et revenir, après des courtes vacances,
pour en retrouver des longues, non merci! C'était démotivant. Rien que le fait d’y penser me
tracassait.
À peine pensé au voyage que mon esprit me rappelait à l’ordre. Me
ramenait plutôt à mon inquiétude majeure. À mon problème primordial. Lequel
était toujours insoluble et tant que c’était ainsi, on ne serait jamais
heureux, on ne passerait jamais ne serait-ce que quelques moments de bonheur,
moi et mon esprit, en parfaite harmonisation sans se lasser et sans penser
qu’un jour et à la longue on risquait de s’engourdir.
Mon esprit, ainsi qu’il est dans sa
conception. Et moi, ainsi que je suis dans ma réflexion.
C’est aussi extraordinaire que je le
réalise maintenant que j’écris. Jamais je ne m’en étais plaint de ne pouvoir
-ou vouloir- partir en vacances tellement je me sentais le courage de persévérer
en tout temps dans une ambiance inchangée et de résister passivement et
calmement à la pression que suscite ma situation somme toute, particulière.
Peut-être puisais-je ma force justement dans un monde personnel que je m’étais
créé et que j’avais adapté, bon gré mal gré, à mon évolution paisible dans le
milieu où je vis.
Cet ensemble de personnes et de lieux à fréquenter ou à éviter,
d’itinéraires à suivre ou à changer car prendre les mêmes chemins risque d'apporter une dose d'ennui supplémentaire, d’habitudes à perpétrer ou à chambouler,
de tâches à exécuter ou à ajourner, d’invitations à accepter ou à refuser, d’horaires à respecter ou à modifier, de
fêtes à vivre ou à refouler. Fêtes religieuses je m'entends car sont celles où le poids de la tradition et de la famille se fait sentir du fait que cela affecte le moral des parents, frustrés, qui risquent de se sentir coupables de ne pouvoir te voir joyeux comme ils le montrent dans de telles circonstances. Une joie, d'autant plus apparente que si on comptait des filles à l'âge de se marier et qui sont encore à la maison. Les manifestations nationales n'en parlons pas, cela n'a de toute façon aucune importance hormis la langue de bois écoutée et lue tous azimut dans les médias accompagnée de jours fériés et de repos que cela suscite.
En résumé un espace de
situations à affronter ou à fuir!.
Bref, un univers qui paraît de l’extérieur
bien paisible et monotone, mais de l’intérieur, déborde de conflits, de contradictions et d’interactions de toutes sortes entre ses composantes de nature physiques et morales. Un macrocosme en perpétuelle transformation interne au cours de son évolution dans la
dimension espace-temps. À vrai dire un rayon bien limité car si l’on restait
toujours en contact avec l’extérieur par le biais des journaux et des
informations d’actualité, aussi locales que nationales, circulant de bouche à oreille ;
on devait se prémunir des indiscrets et des importuns. De ceux qui, à peine
vous connaissent et vous savent sans emploi, vous gênent par leurs regards
pleins de pitié si ce n’est par leurs propos désobligeants. Surtout lorsqu’il
s’agit d’un « débrouillard » - soi-disant parce qu'il s'en était apparemment bien sorti!- enthousiasmé par un
commerce de fortune ou d’un chanceux fonctionnaire casé quelque part dans une administration
par un parent, une connaissance ou un élu, dont il aurait donné la parole à la famille de le
faire embaucher à la municipalité de la ville par exemple le jour d’une campagne électorale. Un de ceux qui se montre fier de son salaire de misère.
De ceux qui vous connaissaient déjà parce qu’ils
étaient avec vous au collège ou au lycée et qui veulent savoir aujourd’hui, après tant
d’années si vous aviez fait dans la vie mieux qu’eux ou au contraire vous aviez fracassé. De ceux qui veulent se
rassurer qu’ils avaient mieux fait de quitter l’école plus tôt, et se vanter
d’une mesquine intelligence, sans avoir le courage d’admettre que c’était plutôt
leurs moyens intellectuels surtout qui ne leur permettaient de poursuivre les
études.
De ceux qui se croient arrivés parce qu’ils se sont mariés et ont des
gosses mais qui continuent de vivre toujours dépendants de leurs fiefs familiaux, du moins logeant dans
les maisons de leurs parents ; et qui, faute d’espace et de tranquillité et
fuyant les encombrements du foyer où cohabitent les épouses, les sœurs et
frères, les enfants, les parents et les grands-parents le cas échéant; passent la plupart du
temps dehors ou dans les cafés.
Enfin de ceux qui ne tolèrent pas que l’on ne fasse
pas comme eux.
C’est donc ainsi que chez nous, on comprend mal que
vous soyez différent des autres, que vous pensiez autrement que les autres et
que, contraint par les mêmes obstacles et difficultés dans la même situation
que les autres, vous devriez vous résigner à accepter de faire n’importe quoi
quitte à faire comme les autres.
Avant de lire ....
On l’a rendu chômeur !
Pour lire le récit, commencez par l'article N° 1 - Écrire pour l'Histoire
mercredi 25 décembre 2019
9- Chômeur dans une société de pensée unique!
dimanche 15 décembre 2019
8 - Le pays voisin dont le contrat de travail valait 10.000 dollars!
En été donc, le
travail routinier de toute l’année, de « recherche d’emploi », se
convertit en prospection du terrain dans le but de dénicher l’oiseau rare :
un « contrat » de travail en France ou en Espagne. Les parents,
confiants en ce type de transaction ou d’engagement, pourraient aller jusqu’à vendre
un terrain agricole, ou se débrouilleraient tant bien que mal pour se trouver l’argent
nécessaire, à raison d’ailleurs et pas à tort car en réalité cela constitue un
vrai investissement ! Un contrat à l’étranger ça sonne fort ne serait-ce que pour
faire Berger dans les montagnes de la Corse française !
L’Espagne,
justement, comment en était-il arrivé là ? Ce pays qui faisait une
croissance économique annuelle supérieure en général à la moyenne européenne,
avait un PIB inférieur à des pays comme le nôtre avant de joindre l’Union
Européenne en 1986 qui l’a soutenue à ses débuts et encouragé. On lui a
attribué entre autres, l’organisation de la coupe du monde de 1982. Dans le
même contexte, il ne faudrait pas sous-estimer les événements ayant contribué
au changement de régime politique. Le dictateur Franco, avant sa mort en 1975 et
alors qu’il était malade, pensait
faire retourner la monarchie des Bourbons dans ce pays, en nommant Juan Carlos chef de l'État par intérim. Celui-ci, deux
jours après la mort du despote, et avec la même intention a été proclamé roi d’Espagne, mais c’était sans
compter avec la volonté du peuple qui lui,
avait une autre aspiration. Les manifestations et les grèves se multiplièrent à
travers le pays, malgré la répression sanglante, et l’on aboutit en fin
de compte, à un référendum qui permit d’instaurer le
régime d’une Monarchie constitutionnelle. Ainsi, une réforme politique et non
des moindres, associée à une conjoncture régionale favorable, en plus de la
prise de conscience d’un peuple, ont fait de L’Espagne à partir des années quatre-vingt,
une contrée qui n’arrête pas de progresser et de multiplier sa croissance. Donc
ne nous y trompons pas si jadis, marocains que nous sommes, nous traversions ce
territoire pour nous rendre en France ou ailleurs en Europe, sans lui accorder
la moindre importance et que maintenant, nous rêvons de fouler son sol, pour un
travail de misère comme pour la cueillette des fraises par exemple : un programme
esclavagiste - au féminin - à voir les conditions pour la sélection des
prétendantes jeunes femmes à qui il est demandé d’être mariée ou divorcée mais
avec un enfant, d’avoir des mains qui en
disent long sur le travail dans les champs et que sais-je ? Sans supposer
qu’il y ait d’autres critères non déclarés, cette affaire n’est pas gérée par
les autorités espagnoles directement comme c’est le cas de la « Diversity program » qui délivre la « Green Card » pour vivre aux
Etats-Unis, où l’on traite directement et seulement avec l’ambassade américaine.
Alors, les heureuses ouvrières restent aussi à la merci de l’administration
marocaine (ANAPEC ou autre).
Ainsi donc, le pays voisin à qui on
attribuait une pauvreté, s’est retrouvé après un peu plus d’une décennie avec
un PIB des plus forts et un niveau de vie des plus élevés. D’où non seulement le
rêve pour y immigrer sinon les dizaines de milliers de dollars payés pour un
contrat de travail.
En rappelant toujours cette saison d’été
et les opportunités offertes aux chômeurs, à défaut d’un travailleur immigré
qui a appris à faire de ce type de transaction son business (vente de contrats
de travail venant de l’étranger) , on reniflerait un autre type d’immigrés qui aurait
acquis une certaine notoriété dans le domaine, à tel point que, des courtiers
lui préparent le terrain et des futurs candidats chaque fois qu’il fait un tour
au pays. S’étant forgé sa renommée pour avoir déjà réussi à « sauver »
(c’est le cas de le dire !) des dizaines de pauvres gars restés bloqués au
Maroc et qui avaient déjà un parent ou un ami à l’étranger capable de leur
offrir un refuge le temps de s’en sortir et d’avoir leurs papiers dans le pays
d’accueil. Des types qui n’ont aucun avenir dans leur pays de naissance, et qui
sont décidés à s’exiler ayant déjà vu la déprime de ceux qui avaient des
diplômes pour avoir passé une bonne partie de leur vie à l’université en vain.
dimanche 8 décembre 2019
7 - En été, une activité qui fait rêver.. et pourtant !
Des
opportunités de voyage et d’évasion surtout l’été, lorsque le pays déborde d’affaires
de toutes sortes et notamment touristiques. Une activité qui fait rêver au
Maroc, presque dans toutes les contrées, toutes les villes, tous les douars et mêmes
les lieux isolés et éloignés, mais que l’on connaît passagère –hélas ! - car soutenue
essentiellement par nos concitoyens travailleurs à l’étranger qui viennent
revoir leurs familles sur place et passer les vacances au bord des plages, à la
montagne ou à la campagne. Et comme pratiquement chaque famille compte au moins
un parent résident à l’étranger, alors on en profite pour faire des détours
vers des endroits qu’on ne visiterait jamais autrement.
Pendant la belle saison donc, on ne parle
pas chômage.
On oublie ?
Le temps d’une pause ?
Rien n’est moins sûr. On change tout
simplement de langage.
Ainsi, chercher un travail en été se
traduirait par multiplier les contacts pour trouver un moyen de « déguerpir ! ».
Quitter le bled pour l’autre rive. Celle du nord, de la richesse, que dis-je ?
de la démocratie et de la justice, du moins sociale. Un moyen illégal, je m’entends
car tout le monde sait que toute demande de visa est déclinée, les autorités des
ambassades sont au parfum des réalités manifestement pitoyables de nos jeunes
sans emploi qui trichent désespérément sur les documents. Par ailleurs, il
serait tout aussi naïf de croire que les modalités d’octroi des visas par les
pays européens à nos demandeurs, sont aussi claires et équitables qu’ils le
prétendent. Une sélectivité de choix qui laisse perplexe plus d’un. C’est que
dans la majorité des cas, on se voit attribuer un visa, et donc un moyen légal
pour entrer en France notamment, quand on vient de la campagne et qu’on a un
faible niveau d’instruction. Et inversement, on se le voit refuser pour nos
jeunes ayant des diplômes, des jeunes instruits. La politique de ces pays étant
souveraine, ils ont le droit d’accepter qui ils veulent sur leurs territoires, n’est-ce
pas à nous-mêmes que nous devrions reprocher notre malaise ?
Pour la petite
histoire, je me rappelle très bien une nuit que je devais passer faisant la queue
devant l’ambassade de France à Rabat, non pour moi sinon pour mes parents qui
avaient envie d’aller voir comment c’était cette terre bénie qui abrite leur
fils aîné qui leur avaient envoyé une invitation et les documents nécessaires
pour ce faire. Arrivé un jour avant le rendez-vous à la capitale, j’avais pensé simplifier la tâche
pour mes vieux qui auraient été incapables de vivre des moments pareils en restant
debout toute une nuit. Car le voyage à Rabat s’imposait la veille de la date
fatidique, si l’on tient compte de ladite situation connue de tout le monde.
Quelle était ma surprise quand j’ai découvert à quelle point on pourrait vivre
rien qu’à côté d’« une » démocratie sans y être réellement! Rien
qu’à la proximité et vous pouvez monter votre négoce. Des jeunes hommes, plutôt désœuvrées, vivant dans les cités des environs et ayant vu l’engouement des visiteurs qui
devaient venir de très loin, ont eu l’idée de se mettre aux premiers rangs dès
l’après-midi pour pouvoir vendre par la suite leurs places le matin du jour
suivant. Ainsi le commerce allait fleurir à tel point qu’une mafia on dirait s’est
emparé du business. Une fois arrivé sur les lieux la veille donc, l’on m’envoya
un indic.
-
« Les premières dix places sont
prises, côté hommes et côté femme ! » que m’avait dit le type, l’air
un peu gentil, « .. et si vous voulez réservez, il suffit de voir avec les
propriétaires, les gars là-bas ! » avait-il continué dans sa
proposition.
-
« Ok. Sinon je suis à la 11ème
position, ça va de soi ! n’est-ce pas ? Alors ne t’en fais pas je passe la
nuit ici » avais-je répondu pour tester le retour et en donnant l’air de quelqu’un
sur qui on pourrait se tromper, l'ai de quelqu'un qu’on ne connaîtrait pas a priori !
Une
place valait l’équivalent de cinquante euros ! Ils n’étaient pas bêtes,
les petits mafieux (sans parler des grands, et je fais allusion à ceux qui sont
chargés normalement de l’ordre publique dans des situation du genre, mais qui
préfèrent devenir complices !).
Des
candidats aux visas, subventionnés par leurs familles d’immigrés qui les
accompagnent à la capitale dans le but de gagner du temps et de faire
rapidement la besogne, ont de quoi payer, en plus ils gagneraient énormément de
temps. Bref, il y avait du pain sur la planche. Mais dans un scénario de détresse et de désespérance et dont le décor
manque d’ordre, on se piétine les uns les autres, on se bouscule et on s’insulte.
Ainsi je devais être témoin d’une nuit mouvementée de ma vie de « chômeur »,
« chômeur de ma démocratie », où des « employés de nuits »
sortent leurs armes de cris mêlés aux odeurs d’un grisant vin rouge, d’alcool ou
que sais-je peut-être les conséquences d’un effet de drogue qui les mettrait
hors d’eux afin de pouvoir se libérer des insultes les plus grossières,
simulant des rixes et des poursuites, arme blanche à la main, pour faire fuir les
pauvres gens qui passaient la nuit en compagnie de leurs familles faisant la queue.
Cette mascarade, pour la France, pays démocratique,
qui laisse faire de pareilles manigances aux alentours de son ambassade, allait
continuer s’il n’y avait pas eu ces documentaires sur des chaînes de télévision
qui montraient la honte de la République, réalisés par leurs propres
journalistes.
Reste à décrire la fin de la scène le
lendemain matin, complétement transformée, passé l’heure d’ouverture de l’ambassade
et ceux qui devaient entrer le firent. Lorsque les anciennes listes se mettent
à jour et lorsqu’on se demande si, les gars qu’on voit à ce moment-là, bien « fringués »,
sandales, bermuda et tee-shirt dernier cri, sont bien les mêmes qu’on avait vus
la soirée d’avant. Leur apparence et comportement plus civilisés cette fois, favorisaient
le partage de quelques mots avec eux sans histoire et même, histoire de me
faire ingurgiter un peu de mon amour propre perdu la veille ; à un qui n’était
pas loin, je lui ai fait savoir qu’
-
« Enfin les gars n’avaient pas
démérité ! En définitive, ils avaient bien passé la nuit comme nous autres ! .. sans dormir !»
Viendrait-il un jour, où nous verrons, nous
aussi, à côté de nos ambassades à l’étranger, des queues interminables de
personnes, hommes femmes, jeunes et moins jeunes, parents et enfants, qui
viendraient demander un refuge économique enjolivé par une demande banale de
visa, dans notre pays qui, aurait été tellement juste envers ses « citoyens »
et qui aurait déjà appris à exercer une réelle démocratie égalitaire car fondée
sur des lois respectables et auxquels tout le monde se soumet sans dérogation
aucune ?
samedi 30 novembre 2019
6 - Quand la relation au chômage devient passionnelle
Comme un engagement
financier non
exprimé certes, mais bien approprié à la situation qu’ils vivaient. Un
investissement compréhensible quand même. Dans l’incapacité d’assurer une meilleure
planification pour leur vieillesse, et pour cause, ils comptaient bien, sur
l’avenir probant de leur progéniture pour vivre leurs derniers jours de façon
bien meilleure que les premiers.
Mais qu’en
est-il des autres ?
La frustration est d’ores et déjà
indescriptible : en quoi ou en qui pourrais-je investir moi, chômeur de
longue date, pour mes derniers jours ?
Une question que j’évitais souvent, optimiste que je suis de toujours, parfois
même jusqu’à frôler la dérision ! Une question qui pouvait attendre comme tant
d’autres d’ailleurs.
Me voilà enchanté et encouragé aussi à écrire. À
peine commencé une idée que j’en sens un déferlement d’autres. Parce que
j’écris de moi même peut-être ou tout simplement je retrouve cette écriture de
jeune. En tout cas, au milieu de toutes ces années de chômage, s’il y’a quelque
chose dont je me sens fier, c’est d’être resté toujours en contact avec le
livre.
Si je ne lisais pas, je jouais à toute sorte de mots (fléchés, croisés, etc) ou je faisais des plans impossibles manière de garder le crayon à la main et de penser.
La lecture aussi instinctive que manger et boire chez un lettré elle
nous permet de rester vivace. Car, si elle nous divertit de remâcher tout le
temps les mêmes sujets, en nous faisant conquérir par la pensée et
l’imagination d’autres perspectives
différentes des nôtres ou singulières, elle nous laisse en contact avec la
réflexion. Or c’est nous qui cherchons,
consciemment, à travers la lecture, le voyage ou tout autre moyen qui permet de
changer les idées, à nous évader et à nous distraire de la routine.
Illusion ! C’est faire sans compter avec notre esprit. Car aussi harmonisé
qu’il semble avec nous dans les situations ordinaires, notre esprit devient perspicace
dès que l’on tente de sortir de cet ordinaire. Ainsi, conscient de notre
échappatoire volontaire, il nous rappelle à notre préoccupation majeure (notre situation de chômeur entre autres !) , sinon
pour affirmer sa présence, pour s’interposer comme régulateur entre nous et
notre conscient.
Ainsi, condamné à suivre un rythme de vie bien
adapté à ma situation, il m’était très souvent difficile de sortir du cercle de
mes petits déplacements dans une petite ville qu’est la mienne et de mes
fréquentations ; de mes activités quotidiennes qui constituaient au fil
des années ce qu’on appelle les habitudes.
Déjà, de nature sédentaire en ce sens que, une fois
installé quelque part et aussitôt accoutumé à un train de vie défini, mes
habitudes deviennent plus ou moins inébranlables; alors je répondais toujours par la négative à toute invitation de voyage, d'accompagnement ou de grands déplacements amicaux ou familiaux. Comme si je devenais réticent à tout changement d'air. Inflexible. Pensant que les autres, une fois passé les vacances, reviendraient à leur train de vie normal, leur travail et occupation continuant leur évolution naturelle; alors que moi, chômeur de ma personne, je me retrouverais une fois de plus face à mon calvaire. Sans occupation majeure, sans travail et sans évolution. Je descendrais au bercail.
À vrai dire, j'ai tellement galéré et entrepris toute sorte de choses et moyens, légaux ou non, sincères ou mensongers, étiques ou non, scientifiques ou para scientifiques (astrologie, numérologie, biorythmes, ou autre, ce qui m'a permis d'ailleurs, de toucher à plusieurs domaines immenses du savoir et de l'expériences humaine); jusqu'à user de ressources et de pratiques de grand-mères pour ne pas dire de magie, pour sortir de cette détresse, et trouver un travail décent eu égard à mon niveau, des années durant, que la question d'être au chômage m'est devenue passionnelle! Tout ce qui m'éviterait ma ration journalière de boire de cette coupe, me causerait une affliction supplémentaire entre moi et ma passion.
Que nenni!.
Passer des vacances dans un contexte pareil n'a pas de sens, étant donné que je suis vacancier toute l'année pensais-je.
jeudi 28 novembre 2019
5 - Les "maison des jeunes" et l'Éducation ailleurs
Si on avait banalisé seulement ces « maisons
de jeunes » et renforcé, au lieu de les avoir laissées délabrer, à l’image
de nos établissements scolaires, hospitaliers, et autres d’ailleurs, sans entretien, sans vision et sans
planification ; au lieu de les laisser quitte à perpétrer uniquement une
tradition qui date depuis longtemps, depuis la présence des français.
C’est
pourtant ici à "dar Echabab" que j’ai appris à jouer au ping-pong, aux échecs et que j’aurais
sans doute appris à faire de la musique (jouer du violon ou du luth), s’il n’y avait pas eu cette décision
hâtive suite à un malheureux événement ayant eu lieu entre les deux pays frères
et voisins dans les années 70.
Une décision de faire loger des familles marocaines
expulsés d’Algérie, dans des locaux de notre « maison de jeune » justement
aménagés à cet effet. Je parle de ma petite ville et je suppose que c’était
ainsi le cas partout, tellement le pays a été choqué et les décideurs
politiques, pris de court, devaient trouver des solutions à la va-vite pour
absorber la surprise et simuler ainsi un sang-froid devant leurs adversaires politiques. Une
telle décision ne pouvait être que généralisée pour résorber le nombre de ces
familles malheureuses d’ailleurs, le moins qu’on puisse dire. Pour la petite histoire, des seules et
mêmes familles se sont trouvées du jour au lendemain déchirées et disloquées. Des
enfants qui devaient vivre avec leurs mères, étaient séparés de leurs pères. Et
selon la nationalité des conjoints, soit le père tout seul, soit la mère avec
ses enfants qui devaient être expulsés de l’autre côté !
Quelle bêtise humaine !
En rappelant cet épisode lamentable de l'histoire entre les États voisins, la question me vient à l'esprit: Pourquoi donc ne tentons-nous pas de trouver des solutions, hâtives soient-elles, anticipés ou pressées à cette masse gonflante chaque année, de peuple au chômage, quitte à résorber un petit pourcentage et montrer ainsi une réelle volonté à apaiser au moins la tension sociale à ce sujet? Ainsi, la priorité, déclarée à tort et à travers, par tous les gouvernements qui se suivent et qui se ressemblent, donné au problème de l'emploi au Maroc trouverait son sens.
D'ailleurs, force est de remarquer que bien de décisions ont été prises du jour au lendemain et dont les conséquences étaient sans équivoque. Il serait tout aussi éloquent de rappeler un autre exercice de décisions fortes et tout aussi définitives: la circulation des charrettes tirées par des chevaux dans les villes, qui constituent encore au Maroc de nos jours un moyen de transport de personnes ou de marchandises. La décision dont je ne me rappelle plus la date, était irrévocable: une fois franchi l'entrée des agglomérations urbaines, le chariot est détruit (au chalumeau s'il vous plaît), les chevaux gardés à la fourrière et Dieu sait ce qui attendrait le pauvre propriétaire paysan. Allez voir maintenant un spectacle pareil dans nos villes, à moins que ce soit des chariots tirés seulement par des hommes.
Ainsi, pour nous, chômeurs de nos vies, se forge l'idée selon laquelle on frôle la démagogie face à la gestion des problèmes sociaux si l'on généralise.
Ne sommes-nous pas chômeur de notre pays plutôt?
Pour revenir à nos moutons (à mon récit), tout compte
fait, ce qui manque à notre entière éducation d’un côté et de l’autre, on le
cherche instinctivement ailleurs.
Avec des collègues de classes en dehors des écoles,
on s’éduquait tous seuls en quelque sorte. Combien de fois nous avons organisé
des sorties et des petits voyages et excursions, à l’insu même de nos parents,
pour qui de telles activités seraient synonymes de charges supplémentaires et
de préoccupations aussi.
Il faut le préciser, nos parents avaient tellement
peur pour nous que l’on se sentait incapable de s’engager dans des petites
aventures question de s’affirmer et de sentir une certaine indépendance. Disons
que leur inquiétude était souvent injustifiée car émanait vraisemblablement
d’une surprotection. Cependant, il faut avouer que déjà, il leur coûtait tellement
chère la scolarisation et les entretiens de la vie quotidienne, qu’une perte
physique ou morale d’un de leurs fils ou filles serait fatale. Tout risque de délinquance évité, l'enfant, futur espoir marcherait droit vers le but. Mis à part
l’amour qu’on se doit les uns les autres, parce qu’évident dans notre société
et dans toutes les sociétés amazigho-arabo-musulmanes ou arabo-musulmanes (Il est temps de le
préciser car Le terme « arabe »
ne peut pas assimiler l’origine amazighe ou berbère de l'Afrique du Nord! N’est-ce pas à l’école
qu’on nous l’a tellement inculqué que c’est devenu spontané et naturel de
parler ainsi! rendons donc à César ce qui est à César! ); j’ai bien peur d’affirmer que nous avions toujours été
considérés comme un "investissement" pour les parents.
mardi 26 novembre 2019
4 - "Enseignement" sans "Éducation"
Ainsi donc, non seulement ils (nos parents) ont vécu les
faits marquants de « l’indépendance », mais aussi les débuts du règne
de l’après indépendance, époque d’ailleurs qui a marqué profondément et
conditionné le futur du Maroc !
Époque où la nationalisation battait
son plein et ouvrait la porte grande ouverte à des cadres nationaux pour
remplacer les fonctionnaires étrangers dans les administrations publiques et
semi-publiques. Il s’en est suivi une certaine vulgarisation chez le
peuple à envoyer les enfants, garçons et filles cette fois-ci à l’école, du
moins dans les milieux urbains, tellement l’événement paraissait ouvrir des
horizons meilleurs pour leur avenir. Un avenir meilleur en tout cas que le
leur.
A leurs yeux, aller donc à l’école et
faire des études semblait être –légitimement mais naïvement- un moyen pour
briguer des positions sociales aussi distinguées que les diplômes obtenus
seraient élevés. D’où la préoccupation majeure de réussir et d’avancer dans les
études proprement dites, aussi loin que les capacités intellectuelles des
enfants le permettent et aussi longtemps que les moyens des parents le
favorisent.
D’un autre coté, l’enseignement dans le publique se limitait
uniquement aux programmes proprement dits. Et c’est encore heureux si l’on
pratiquait les quelques heures de sport, ou si on organisait des excursions ou
sorties. Sans bibliothèque sinon pour vous louer des livres rattachés aux
programmes et encore quand ils étaient disponibles, et sans moyens aussi pour
les activités d’animation culturelle de tout genre qui accompagnent
généralement les études. Des activités dont on connaît le caractère
divertissant certes, mais qui développent chez les participants le sens de
l’imagination et de la créativité, de l’organisation et de la responsabilité.
Enfin des tâches qui mettent en exergue, à la longue,
des penchants vers tel ou tel discipline, tel ou tel art, tel ou tel sport et
donc aident les élèves non seulement à s’orienter mais à se connaître eux même. En somme, faute d'un système d’orientation bien emménagé et structuré au
niveau des écoles, nous avons suivi nos parcours scolaires et secondaires en
ligne droite, se limitant tout simplement à ce que la localité, la province ou
la région offrait comme possibilités. A titre d'exemple, j'aurais pu faire
sciences maths et préparer un baccalauréat plus côté (bac. A ou B) mais là où
on était nés, mes semblables et moi, on ne pouvait faire mieux qu’un Bac.
Sciences Ex. (Sciences expérimentales), faute de moyens personnels (familiales)
et d'opportunités ou d'aides qui seraient offertes par l'Etat (dans le cas où
celui-ci aurait pensé à investir dans son capital humain naissant).
Bien sur, j’exagère si je renie des essais tentés par moment ou
surtout à l’occasion de fêtes nationales lorsque non seulement les écoles mais
tout le pays se mobilisaient. Mais des essais qui demeuraient à longueur de
l’année timides tant ils affrontaient de sérieux problèmes de budget entre
autres. De ce fait, élèves que nous étions, scientifiques ou littéraires, nous
nous faisions concurrence les uns les autres sur les exercices de cours pendant
les temps libres pour bien se préparer aux examens.
Moralité:
nous avons développé dans nos lycées, des qualités intellectuelles aux dépens
des qualités morales. Du moins chez ma génération.
En gros, nos écoles en général, dispensaient l’ «Enseignement» tout
court, sans «Éducation».
C’est le cas de le dire.
dimanche 24 novembre 2019
3 - Des études oui mais.. sans loisirs
J’ai toujours
été de formation scientifique et pourtant les expressions littéraires
françaises me plaisaient. Celles écrites surtout car je montrais plus d’intérêt
pour la grammaire et la conjugaison et les « expressions écrites » que pour les
discussions orales en classe. Il faut préciser en outre que depuis le temps
qu’on étudie cette langue, et arrivé au baccalauréat, on ne devrait rien envier
aux gars de la « mission », si seulement l’enseignement publique, était basé
préalablement sur une méthodologie communicative plutôt que sur la grammaire et
la conjugaison de verbes à des temps impossibles et ce, depuis les
premières années du primaire !
À cette époque donc, conscient de disposer d’un
bagage aussi humble soit-il mais académique de la langue de Molière, et en
l’absence de moyens de communications d'aujourd’hui, on rêvait d’un séjour chez
les natifs, question d'avoir plus d'aisance à la pratique de la langue surtout à l'oral et pour avoir plus de confiance dans les choix instantanés des mots adéquats dans les diverses situations de la vie courante. Bref pour apprendre à parler aussi aisément que les gens qu'on entendaient dans les émissions francophones à la radio nationale ou à la télévision aussi.
Curieusement, il m'était égal la chose culturelle, disons que je n'y pensais pas faute de conseils et de conseillers et aussi par manque d'expérience, jeune que j'étais. Mais enfin de compte, ne pouvant pratiquer en dehors du lycée, il
ne nous restait qu’à lire ce qui nous tombait sous la main, écouter ou voir des infos, des chansons ou des interviews. Et essayer d’écrire de temps en temps.
D’ailleurs, je faisais des dessins
aussi.
Combien l’on réalise aujourd’hui, avec
amertume et désolation qu’on a beau avoir derrière soi des années non
négligeables passées aux études au lycée ou à la faculté, on n’a même pas
appris un métier.
Aujourd’hui, qui sait ? Peut-être
serais-je devenu dessinateur.
Comme caricaturiste par exemple, j’aurais bien pu
trouver un débouché en ces temps de foisonnement de diverses publications. Ou
alors serais-je devenu peintre. Comme un portraitiste qui, installé dans un
coin de grande affluence dans une grande ville touristique, propose des
portraits aux passants, clients non exigeants car pressés d’éterniser le
souvenir du moment. Quitte à avoir un moyen de gagne pain en attendant des
jours meilleurs.
En pleine crise de chômage donc et au
milieu de notre égarement et notre recherche d’un moyen pour sortir de l’ennui
et occuper ne serait-ce qu’une partie de son temps complètement libre, on
s’aperçoit qu’on a égaré depuis belle lurette ses loisirs. Car on n’a pas su
les entretenir. Ou peut-être n’avons-nous pas appris à les entretenir.
D’un coté, ni les moyens ni
les conditions de vie de nos familles ne le permettaient.
Des familles dans la
majorité nombreuse préoccupées beaucoup plus essentiellement par les études et
la réussite scolaire de leurs enfants que par leurs formations
parascolaires et encore moins à développer utilement leur passe temps
favori ou les traits de leur personnalité. Nos parents, illettrés mais nullement
ignares -si besoin ait, la qualité de notre éducation civile est là pour le témoigner
-, croyaient que le diplôme ou certificat, est le seul moyen pour être employé
par l’Etat et être ainsi à l’abris des rudes impondérables du destin – à
utiliser leur expression -. Mais nos pauvres parents avaient leur prétexte en
dehors de ce que peut représenter la dureté de la vie. En dehors des autres
préoccupations toutes aussi primordiales que l’éducation de leurs enfants, leur
subsistance, leur habillement, un logement, enfin à leur assurer un minimum
vital pour subvenir tant bien que mal à leur demande grandissante avec leur âge
et leur niveau d’étude. Nés sous l’occupation - française au centre et
espagnole au nord et au sud du pays-, ils ont vécu l’avènement de l’ « indépendance ».
D’ailleurs, on comprend qu’ils n’ont jamais été à
l’école sauf coranique et encore pour les garçons, car leurs parents à eux avaient d’autres chats à
fouetter aussi.
vendredi 22 novembre 2019
2 - Tout découle de ma mémoire
Enfin, sans
notes intimes et personnelles que j’aurais mis à la marge de ma vie, tout
devrait découler de ma mémoire.
Ma seule source.
Le plus naturellement du
monde.
Toutefois, aussi docile qu’elle soit la mémoire, il faut avouer qu’un
chatouillement est parfois utile pour qu’elle nous livre un des souvenirs qui
serait bien enfoui et dissimulé jusqu’à la limite de l’inconscient même. C’est fou ce qu’aime nous impressionner, cette entité
vivante et intelligente qu’est la mémoire : elle nous expose les faits
nous ayant choqués, éblouis, fascinés, et donc marqués au devant de l’étalage
de sa vitrine qu’on voit automatiquement dés qu’on l’interpelle ; mais elle
nous dissimule ceux qui passent sans laisser de trace, en silence, ceux qui se
ressemblent jusqu’à même les confondre.
C’est encore heureux s’il m’arrivait des
déplacements qu’ils soient forcés ou agréablement planifiés et qui me
changeaient de cette ennuyeuse routine. De ce fait, une expérience que j’aurais
vécue intensément ou un événement bien particulier qui se serait déroulé dans
ma vie ou celle de mes proches ; se confond dorénavant avec une année
toute entière pour moi. Pour ma mémoire, à vrai dire.
Mais toujours est-il que je dois me livrer au
lecteur mais, nu.
Aussi découvert que cette envie d’écrire s’est bien acharné à
m’exhiber. Incessante qu’elle est et capricieuse. C’est à peine si elle me
laisse le temps de réfléchir que je me vois déjà entrain de goûter à ses
délices, se moquant éperdument par quel bout commencer, ni quel ordre
chronologique suivre. Tout se mêle dans ma tête et s’emballe jusqu’à m’illusionner
de pouvoir écrire.
Mais je me connais, passionné que je suis, je n’en démords
pas. Je me demande si cette envie ne serait pas en train de se transformer, maintenant
que je m’y mette, en plaisir. Car, à mon enchantement, je découvre bel et bien
un loisir auquel je m’adonnais alors que j’étais encore au lycée.
Familiarisé avec la langue française (qui nous a
quand même accompagné dés la 3ème année du primaire, bilinguisme
oblige, et langue d’enseignement des matières scientifiques au Maroc jusqu’aux
débuts des années 80 dans les établissements publiques), et fasciné par les
publications d’un quotidien marocain d’expression française, de pages
hebdomadaires pour les jeunes ; je tentais bien des fois ma chance. Sans
être vraiment intéressé par les sujets traités, mais plutôt de voir un jour le
nom de ma petite ville accompagnant mon pseudonyme au dessous de l’article.
Histoire de rivaliser avec les autres, ceux qui écrivaient régulièrement et à
qui, le français était acquis d’avance depuis la maternelle. Fils de cadres
peut-être ayant étudié à la « mission française » ou de parents français tout
simplement.
mercredi 20 novembre 2019
1 - Écrire pour l'Histoire
Il y a longtemps que l’envie d’écrire me chatouille, ce désir irrésistible de traduire en mots ce qu’on ressent, ce qu’on vit, ce qui nous porte à croire, en somme, que l’on est différent parce qu’il nous est arrivé de vivre des situations que les autres n’ont pas connu ou trouveraient inhabituelles à connaître. Envie d’écrire oui, mais écrire quoi au juste et pourquoi ? C’est étrange, à chaque fois que je m’y applique, crayon en main et fortement motivé par ce que je ne saurais parfaitement décrire, les idées qui pourtant se bousculent à l’instant dans ma tête à en déborder, s’échappent d’un coup et me laissent affronter mon destin face à ce que je m’illusionne de traduire.
C’est vrai que j’ai toujours été fasciné par ces romanciers qui ont le don de nous mettre dans le décor aussi réel qu’imaginaire de leur écrit, tant ils excellent dans la description des faits et des panoramas de leurs histoires qu’on s’y croit dedans. A mon sens, la créativité chez ces auteurs ne réside pas dans leur capacité à inventer des histoires autant qu’elle se manifeste dans leur description à la fois raffinée et perceptible par le simple lecteur.
Or, Mes idées à moi ne sont guère à créer ni à imaginer, mais nées bel et bien sous le joug de mon vécu, de ma condition de vie et de mon milieu, bref de ma vie de chômeur –chômeur malgré lui- et pourtant je suis contraint à leur donner la forme et la couleur telles que je les perçois, telles que je les visualise tant elles me collent à la peau jusqu’à influencer ma vision des choses et particulièrement mon jugement sur divers autres phénomènes de notre société. De là, à les transmettre, et encore fidèlement au lecteur, c’est une autre histoire.
Mes idées à moi ont un goût aussi. Celui de l’amertume. Tel un vin savoureux qu’on déguste en plein bonheur ou un apéritif aussi doux à ingurgiter qu’on s’y donne volontiers juste pour se griser un peu la tête, sauf qu’on se découvre aussitôt après, éméché pour finir étourdi et carrément désorienté. Tellement le vin était truqué !
Écrire pour parler de mon gouffre ou j’étais englouti des années durant ?
Ou plutôt de mon adaptation lente mais progressive et donc sure, à un rythme de vie ou je semblais me complaire ? Une famille solidaire et compréhensive à bien plus des égards et une petite ville apparemment calme mais morte et loin des zones économiquement utiles. Deux conditions significatives et dans lesquelles cette complaisance trouverait bien le prétexte pour perdurer et s’épanouir. Car si d’un coté, on assimile tant bien que mal, des dépenses quotidiennes - argent de poche en quelque sorte - nécessaires pour la ration journalière de la nicotine, de la caféine et d’un journal ou l’on souhaite trouver un jour une annonce sérieuse d’un emploi ou d’un concours ; de l’autre on est contraint à rester sur place et guetter de loin les informations d’éventuels recrutements issus des grandes villes, tellement les déplacements sont coûteux.
Ou écrire pour parler de la
pente rude que j’ai réussi, téméraire que je suis, à entamer enfin de compte,
et que je me voix, encore aujourd’hui, entrain d’arpenter tellement elle s’aplanit
devant ma détermination? Car après biens des tergiversations frôlant le
dérapage de l’esprit parfois, je me posais d’interminables questions après
chaque occasion ratée pour avoir une vie professionnelle et donc sociale.
Histoire de comprendre le pourquoi de ces échecs, concevables aux débuts mais
qui devenaient systématiques à la longue.
Des questions dont la
réponse ne peut être atteinte qu’au delà du surpassement de soi même.
Le «soi», cet être
imprégné d’une culture bien propre à lui, eu égard à son éducation et son
évolution mais qui est sensé aussi porter les traces du patrimoine culturel de
sa tribu dont il est originaire.
En somme, au delà de toutes
considérations psychologiques individuelles ou sociétales qui nous ramènent
souvent à des réponses automatiques et donc faciles, face à des interrogations
incessamment posées.
Ou
écrire pour signaler à travers mon cas, celui de milliers de personnes sans
emploi ?
Des
chômeurs égarés.
Si les uns
trouvent une issue heureuse parce que, «débrouillards» ils réussissent
tant bien que mal à se faufiler dans l’engrenage qui régit le marché de
l’emploi dans notre pays ou parce qu’ils atteignent -vivants- l’autre rive de
la méditerranée ; les autres par contre, «incapables» ou invalides,
restent figés dans l’espace et le temps. Car, si le chômage est un problème
qu’on dit bel et bien mondial quoiqu’il n’ait pas la même signification et
définition que dans les pays développés l’ayant connu et traité avant nous, il
prend une dimension particulière dans mon pays. Vécu intensément par une grande
masse de jeunes et de moins jeunes, d’hommes et de femmes, diplômés ou non, que
la majorité des familles s’y trouvent affectée dans l’un de ses membres à la
campagne comme à la ville. C’est un phénomène de notre société et de toute
société comparable à la notre je suppose, dont l’approche littéraire ou
scientifique semble imprécise tant on est perdu par les divers aspects de sa
manifestation au niveau collectif ou individuel. Au niveau officiel déclaré ou
informel et tacite. Au niveau de la solidarité exprimée par la société civile
compatissante ou de la marginalisation et l’exclusion systématiques par les
intervenants politiques.
Au niveau d’une mentalité fataliste
mais bien ancrée dans notre société ou d’un militantisme jaillissant mais
farouchement opprimé.
Et
voilà donc que je réalise au fur et à mesure que j’essai d’écrire, que «mes
idées» à moi ne sont nullement ces pensées abstraites qui nous tiennent
généralement pendant des éclairs de lucidité mais sont plutôt le fruit d’un
amalgame de faits réels et d’événements ordinaires ou peu banales que j’ai
vécus au cours de mon périple mais que je vois vivre toujours des gents de mon
époque et de mon pays.
Un ensemble d’images,
d’impressions, de témoignages, de descriptions, de critiques et d’appréciations
aussi.
Le
fruit d’une interaction entre l’individu, qui ne peut être que moi, avec son
milieu.
Une
interaction dont jaillit une certaine philosophie, ma philosophie à moi.
Ainsi donc je me livre au lecteur en donnant libre cours à mes pensées et mon récit sans avoir sous la main un agenda ou un livre personnel de ceux qu’on a l’habitude d’écrire à un certain stade de notre vie. Un livre qui serait plein de noms de personnes ou de lieux, d’événements ou de dates. D’ailleurs si j’avais cette habitude je l’aurais certainement fait et assidûment, du moins durant des événements marquants de mon pays et de ma localité dont j’étais au cœur ou de circonstances qui auraient pu être prévisiblement prépondérantes dans ma vie.
C’est encore heureux si je conserve quelques livres de mes études à l’université et quelques programmes dont je pensais faire ma spécialité d’avenir. En réalité je ne dispose que d’un patrimoine constitué de divers documents que j’ai glanés au fil des jours, depuis mes premières confrontations avec les réalités déplorables du marché de l’emploi au Maroc. Un grand cartable bien rempli de lettres de correspondances, d’articles de journaux, d’idées de projets morts nés, de convocations et des reçus de dépôts de candidature, des rapports de stages et de quelques expériences bien limitées, etc...
En plus de quelques livres bien sur.
Mais qui aurait imaginé qu’un jour il serait tenté ou incité à écrire de lui même, ne serait-ce que d’une partie de sa vie parce qu’il se serait rendu compte qu’au fait, il a vécu une expérience digne d’être raconté sinon dans son propre pays, pour le monde entier ?
Qui aurait eu assez de courage, un courage supplémentaire de celui dont on use déjà pour affronter le quotidien de sa vie de chômeur, pour enregistrer des jours qui se suivent et se ressemblent ?
Même en pleine détresse je ne l’aurais jamais fait.
Conscient que j’étais que seul le moyen permettant un gagne-pain, puisse susciter un intérêt. Dignement je m’entends. C’est dire à quel point le pain, condition vitale mais auquel l’on ne peut atteindre sans mobiliser des moyens matériels, peut primer des fois sur l’esprit, autre condition vitale mais nourrie de valeurs morales.
C’est dire autrement aussi que le fait d’écrire pour uniquement écrire, s’il ne semble pas utile dans les circonstances du moment et de l’époque, peut s’avérer décisif pour l’histoire. Qu’elle soit personnelle ou collective. Car cet ensemble d’événements qui est l’Histoire et dont l’Homme, contraint ou volontaire, est le chef d’orchestre, est indissociablement lié à la notion du temps. Donc devient intraitable, non rattrapable et non rectifiable sinon dans un autre contexte. Irréversible, le temps nous empêche en effet de revoir nos actions pour rectifier nos éventuelles erreurs du passé. Plus encore, le temps dans son évolution joue à doubles faces: Aussi incessamment inflexible qu’il nous stresse à nous décider et à agir face à des situations, le temps devient paradoxalement souple pour conditionner justement notre vision à notre histoire. Ainsi il semble tantôt rétréci, pour nous apprendre qu’une telle action ou tel démarche fut trop exalté qu’il ne le fallait ; tantôt dilaté pour nous rendre compte de la grossièreté d’une erreur ou exaction qu’on croyais plus infime.