Lien sponsorisé : Guide des emplois à bord des navires de croisière

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les emplois dans les navires de croisière sont variés. Voici un guide pour tout savoir sur comment postuler.

Avant de lire ....

Il était une fois un chômeur dans le "pays des chômeurs" je veux dire des "achômés" ! voilà une expression qui pourrait enrichir la francophonie puisque le mot correspondant du terme « moâttal » en arabe ou en marocain et qui veut dire « mis au chômage » ou « mis en panne » n’existe pas en français en un seul mot. Alors le terme « achômé » peut faire l’affaire en un mot non-composé qui sous-entend au chômage malgré lui ! ».
On l’a rendu chômeur !

Pour lire le récit, commencez par l'article N° 1 - Écrire pour l'Histoire

samedi 30 novembre 2019

6 - Quand la relation au chômage devient passionnelle

      Comme un engagement financier non exprimé certes, mais bien approprié à la situation qu’ils vivaient. Un investissement compréhensible quand même. Dans l’incapacité d’assurer une meilleure planification pour leur vieillesse, et pour cause, ils comptaient bien, sur l’avenir probant de leur progéniture pour vivre leurs derniers jours de façon bien meilleure que les premiers.
       C’est d’autant plus affligeant et frustrant que je me vois incapable aujourd’hui de leur rendre ne serait-ce qu’une parcelle de tout ce qu’ils avaient dépensé pour moi (vue du côté matériel!) ; et de là à les soigner s’ils tombent malades ou même à leur offrir un petit quelque chose, un geste comme on dit pour une occasion ou aune autre, j’en mourrais d’amertume ! Heureusement que moi, je fais partie d’une famille nombreuse et là où j’échoue, d’autres frères ou sœurs peuvent réussir.            
       Mais qu’en est-il des autres ?
       La frustration est d’ores et déjà indescriptible : en quoi ou en qui pourrais-je investir moi, chômeur de longue date, pour mes derniers jours ?  
      Une question que j’évitais souvent, optimiste que je suis de toujours, parfois même jusqu’à frôler la dérision ! Une question qui pouvait attendre comme tant d’autres d’ailleurs.
      Me voilà enchanté et encouragé aussi à écrire. À peine commencé une idée que j’en sens un déferlement d’autres. Parce que j’écris de moi même peut-être ou tout simplement je retrouve cette écriture de jeune. En tout cas, au milieu de toutes ces années de chômage, s’il y’a quelque chose dont je me sens fier, c’est d’être resté toujours en contact avec le livre. 
      Si je ne lisais pas, je jouais à toute sorte de mots (fléchés, croisés, etc) ou je faisais des plans impossibles manière de garder le crayon à la main et de penser.
      La lecture aussi instinctive que manger et boire chez un lettré elle nous permet de rester vivace. Car, si elle nous divertit de remâcher tout le temps les mêmes sujets, en nous faisant conquérir par la pensée et l’imagination d’autres  perspectives différentes des nôtres ou singulières, elle nous laisse en contact avec la réflexion. Or c’est nous qui cherchons, consciemment, à travers la lecture, le voyage ou tout autre moyen qui permet de changer les idées, à nous évader et à nous distraire de la routine. Illusion ! C’est faire sans compter avec notre esprit. Car aussi harmonisé qu’il semble avec nous dans les situations ordinaires, notre esprit devient perspicace dès que l’on tente de sortir de cet ordinaire. Ainsi, conscient de notre échappatoire volontaire, il nous rappelle à notre préoccupation majeure (notre situation de chômeur entre autres !) , sinon pour affirmer sa présence, pour s’interposer comme régulateur entre nous et notre conscient. 
     Ainsi, condamné à suivre un rythme de vie bien adapté à ma situation, il m’était très souvent difficile de sortir du cercle de mes petits déplacements dans une petite ville qu’est la mienne et de mes fréquentations ; de mes activités quotidiennes qui constituaient au fil des années ce qu’on appelle les habitudes. 
    Déjà, de nature sédentaire en ce sens que, une fois installé quelque part et aussitôt accoutumé à un train de vie défini, mes habitudes deviennent plus ou moins inébranlables; alors je répondais toujours par la négative à toute invitation de voyage, d'accompagnement ou de grands déplacements amicaux ou familiaux. Comme si je devenais réticent à tout changement d'air. Inflexible. Pensant que les autres, une fois passé les vacances, reviendraient à leur train de vie normal, leur travail et occupation continuant leur évolution naturelle; alors que moi, chômeur de ma personne, je me retrouverais une fois de plus face à mon calvaire. Sans occupation majeure, sans travail et sans évolution. Je descendrais au bercail. 
À vrai dire, j'ai tellement galéré et entrepris toute sorte de choses et moyens, légaux ou non, sincères ou mensongers, étiques ou non, scientifiques ou para scientifiques (astrologie, numérologie, biorythmes, ou autre, ce qui m'a permis d'ailleurs, de toucher à plusieurs domaines  immenses du savoir et de l'expériences humaine); jusqu'à user de ressources et de pratiques de grand-mères pour ne pas dire de magie, pour sortir de cette détresse, et trouver un travail décent eu égard à mon niveau, des années durant, que la question d'être au chômage m'est devenue passionnelle! Tout ce qui m'éviterait ma ration journalière de boire de cette coupe, me causerait une affliction supplémentaire entre moi et ma passion.  
      Que nenni!. 
      Passer des vacances dans un contexte pareil n'a pas de sens, étant donné que je suis vacancier toute l'année pensais-je.


jeudi 28 novembre 2019

5 - Les "maison des jeunes" et l'Éducation ailleurs

      Si on avait banalisé seulement ces « maisons de jeunes » et renforcé, au lieu de les avoir laissées délabrer, à l’image de nos établissements scolaires, hospitaliers, et autres d’ailleurs, sans entretien, sans vision et sans planification ; au lieu de les laisser quitte à perpétrer uniquement une tradition qui date depuis longtemps, depuis la présence des français. 
C’est pourtant ici à "dar Echabab" que j’ai appris à jouer au ping-pong, aux échecs et que j’aurais sans doute appris à faire de la musique (jouer du violon ou du luth), s’il n’y avait pas eu cette décision hâtive suite à un malheureux événement ayant eu lieu entre les deux pays frères et voisins dans les années 70. 
       Une décision de faire loger des familles marocaines expulsés d’Algérie, dans des locaux de notre « maison de jeune » justement aménagés à cet effet. Je parle de ma petite ville et je suppose que c’était ainsi le cas partout, tellement le pays a été choqué et les décideurs politiques, pris de court, devaient trouver des solutions à la va-vite pour absorber la surprise et simuler ainsi un sang-froid devant leurs adversaires politiques. Une telle décision ne pouvait être que généralisée pour résorber le nombre de ces familles malheureuses d’ailleurs, le moins qu’on puisse dire. Pour la petite histoire, des seules et mêmes familles se sont trouvées du jour au lendemain déchirées et disloquées. Des enfants qui devaient vivre avec leurs mères, étaient séparés de leurs pères. Et selon la nationalité des conjoints, soit le père tout seul, soit la mère avec ses enfants qui devaient être expulsés de l’autre côté ! 
      Quelle bêtise humaine !
      En rappelant cet épisode lamentable de l'histoire entre les États voisins, la question me vient à l'esprit: Pourquoi donc ne tentons-nous pas de trouver des solutions, hâtives soient-elles, anticipés ou pressées à cette masse gonflante chaque année, de peuple au chômage, quitte à résorber un petit pourcentage et montrer ainsi une réelle volonté à apaiser au moins la tension sociale à ce sujet? Ainsi, la priorité, déclarée à tort et à travers, par tous les gouvernements qui se suivent et qui se ressemblent, donné au problème de l'emploi au Maroc trouverait son sens.
D'ailleurs, force est de remarquer que bien de décisions ont été prises du jour au lendemain et dont les conséquences étaient sans équivoque. Il serait tout aussi éloquent de rappeler un autre exercice de décisions fortes et tout aussi définitives: la circulation des charrettes tirées par des chevaux dans les villes, qui constituent encore au Maroc de nos jours un moyen de transport de personnes ou de marchandises. La décision dont je ne me rappelle plus la date, était irrévocable: une fois franchi l'entrée des agglomérations urbaines, le chariot est détruit (au chalumeau s'il vous plaît), les chevaux gardés à la fourrière et Dieu sait ce qui attendrait le pauvre propriétaire paysan. Allez voir maintenant un spectacle pareil dans nos villes, à moins que ce soit des chariots tirés seulement par des hommes.     
     Ainsi, pour nous, chômeurs de nos vies, se forge l'idée selon laquelle on frôle la démagogie face à la gestion des problèmes sociaux si l'on généralise. 
     Ne sommes-nous pas chômeur de notre pays plutôt? 
    Pour revenir à nos moutons (à mon récit), tout compte fait, ce qui manque à notre entière éducation d’un côté et de l’autre, on le cherche instinctivement ailleurs.
     Sinon chez soi ou à l’école, dans la rue.    
       Avec des collègues de classes en dehors des écoles, on s’éduquait tous seuls en quelque sorte. Combien de fois nous avons organisé des sorties et des petits voyages et excursions, à l’insu même de nos parents, pour qui de telles activités seraient synonymes de charges supplémentaires et de préoccupations aussi. 
Il faut le préciser, nos parents avaient tellement peur pour nous que l’on se sentait incapable de s’engager dans des petites aventures question de s’affirmer et de sentir une certaine indépendance. Disons que leur inquiétude était souvent injustifiée car émanait vraisemblablement d’une surprotection. Cependant, il faut avouer que déjà, il leur coûtait tellement chère la scolarisation et les entretiens de la vie quotidienne, qu’une perte physique ou morale d’un de leurs fils ou filles serait fatale. Tout risque de délinquance évité, l'enfant, futur espoir marcherait droit vers le but. Mis à part l’amour qu’on se doit les uns les autres, parce qu’évident dans notre société et dans toutes les sociétés amazigho-arabo-musulmanes ou arabo-musulmanes (Il est temps de le préciser car Le terme « arabe » ne peut pas assimiler l’origine amazighe ou berbère de l'Afrique du Nord! N’est-ce pas à l’école qu’on nous l’a tellement inculqué que c’est devenu spontané et naturel de parler ainsi! rendons donc à César ce qui est à César! ); j’ai bien peur d’affirmer que nous avions toujours été considérés comme un "investissement" pour les parents. 


mardi 26 novembre 2019

4 - "Enseignement" sans "Éducation"


     Ainsi donc, non seulement ils (nos parents) ont vécu les faits marquants de « l’indépendance », mais aussi les débuts du règne de l’après indépendance, époque d’ailleurs qui a marqué profondément et conditionné le futur du Maroc !
     Époque où la nationalisation battait son plein et ouvrait la porte grande ouverte à des cadres nationaux pour remplacer les fonctionnaires étrangers dans les administrations publiques et semi-publiques. Il s’en est suivi une certaine vulgarisation chez le peuple à envoyer les enfants, garçons et filles cette fois-ci à l’école, du moins dans les milieux urbains, tellement l’événement paraissait ouvrir des horizons meilleurs pour leur avenir. Un avenir meilleur en tout cas que le leur. 
     A leurs yeux, aller donc à l’école et faire des études semblait être –légitimement mais naïvement- un moyen pour briguer des positions sociales aussi distinguées que les diplômes obtenus seraient élevés. D’où la préoccupation majeure de réussir et d’avancer dans les études proprement dites, aussi loin que les capacités intellectuelles des enfants le permettent et aussi longtemps que les moyens des parents le favorisent. 
    D’un autre coté, l’enseignement dans le publique se limitait uniquement aux programmes proprement dits. Et c’est encore heureux si l’on pratiquait les quelques heures de sport, ou si on organisait des excursions ou sorties. Sans bibliothèque sinon pour vous louer des livres rattachés aux programmes et encore quand ils étaient disponibles, et sans moyens aussi pour les activités d’animation culturelle de tout genre qui accompagnent généralement les études. Des activités dont on connaît le caractère divertissant certes, mais qui développent chez les participants le sens de l’imagination et de la créativité, de l’organisation et de la responsabilité. Enfin des  tâches qui mettent en exergue, à la longue, des penchants vers tel ou tel discipline, tel ou tel art, tel ou tel sport et donc aident les élèves non seulement à s’orienter mais à se connaître eux même. En somme, faute d'un système d’orientation bien emménagé et structuré au niveau des écoles, nous avons suivi nos parcours scolaires et secondaires en ligne droite, se limitant tout simplement à ce que la localité, la province ou la région offrait comme possibilités. A titre d'exemple, j'aurais pu faire sciences maths et préparer un baccalauréat plus côté (bac. A ou B) mais là où on était nés, mes semblables et moi, on ne pouvait faire mieux qu’un Bac. Sciences Ex. (Sciences expérimentales), faute de moyens personnels (familiales) et d'opportunités ou d'aides qui seraient offertes par l'Etat (dans le cas où celui-ci aurait pensé à investir dans son capital humain naissant).
     Bien sur, j’exagère si je renie des essais tentés par moment ou surtout à l’occasion de fêtes nationales lorsque non seulement les écoles mais tout le pays se mobilisaient. Mais des essais qui demeuraient à longueur de l’année timides tant ils affrontaient de sérieux problèmes de budget entre autres. De ce fait, élèves que nous étions, scientifiques ou littéraires, nous nous faisions concurrence les uns les autres sur les exercices de cours pendant les temps libres pour bien se préparer aux examens. 
Moralité: nous avons développé dans nos lycées, des qualités intellectuelles aux dépens des qualités morales. Du moins chez ma génération. 
    En gros, nos écoles en général, dispensaient l’ «Enseignement» tout court, sans «Éducation». 
    C’est le cas de le dire.


dimanche 24 novembre 2019

3 - Des études oui mais.. sans loisirs

    J’ai toujours été de formation scientifique et pourtant les expressions littéraires françaises me plaisaient. Celles écrites surtout car je montrais plus d’intérêt pour la grammaire et la conjugaison et les « expressions écrites » que pour les discussions orales en classe. Il faut préciser en outre que depuis le temps qu’on étudie cette langue, et arrivé au baccalauréat, on ne devrait rien envier aux gars de la « mission », si seulement l’enseignement publique, était basé préalablement sur une méthodologie communicative plutôt que sur la grammaire et la conjugaison de verbes à des temps impossibles et ce, depuis les premières années du primaire ! 
   À cette époque donc, conscient de disposer d’un bagage aussi humble soit-il mais académique de la langue de Molière, et en l’absence de moyens de communications d'aujourd’hui, on rêvait d’un séjour chez les natifs, question d'avoir plus d'aisance à la pratique de la langue surtout à l'oral et pour avoir  plus de confiance dans les choix instantanés des mots adéquats dans les diverses situations de la vie courante. Bref pour apprendre à parler aussi aisément que les gens qu'on entendaient dans les émissions francophones à la radio nationale ou à la télévision aussi. 
Curieusement, il m'était égal la chose culturelle, disons que je n'y pensais pas faute de conseils et de conseillers et aussi par manque d'expérience, jeune que j'étais. Mais enfin de compte, ne pouvant pratiquer en dehors du lycée, il ne nous restait qu’à lire ce qui nous tombait sous la main, écouter ou voir des infos, des chansons ou des interviews. Et essayer d’écrire de temps en temps.
     D’ailleurs, je faisais des dessins aussi.
   Combien l’on réalise aujourd’hui, avec amertume et désolation qu’on a beau avoir derrière soi des années non négligeables passées aux études au lycée ou à la faculté, on n’a même pas appris un métier.
     Aujourd’hui, qui sait ? Peut-être serais-je devenu dessinateur. 
    Comme caricaturiste par exemple, j’aurais bien pu trouver un débouché en ces temps de foisonnement de diverses publications. Ou alors serais-je devenu peintre. Comme un portraitiste qui, installé dans un coin de grande affluence dans une grande ville touristique, propose des portraits aux passants, clients non exigeants car pressés d’éterniser le souvenir du moment. Quitte à avoir un moyen de gagne pain en attendant des jours meilleurs.   
    En pleine crise de chômage donc et au milieu de notre égarement et notre recherche d’un moyen pour sortir de l’ennui et occuper ne serait-ce qu’une partie de son temps complètement libre, on s’aperçoit qu’on a égaré depuis belle lurette ses loisirs. Car on n’a pas su les entretenir. Ou peut-être n’avons-nous pas appris à les entretenir.
    D’un coté, ni les moyens ni les conditions de vie de nos familles ne le permettaient. 
    Des familles dans la majorité nombreuse préoccupées beaucoup plus essentiellement par les études et la réussite scolaire de leurs enfants que par leurs formations parascolaires et encore moins à développer utilement leur passe temps favori ou les traits de leur personnalité. Nos parents, illettrés mais nullement ignares -si besoin ait, la qualité de notre éducation civile est là pour le témoigner -, croyaient que le diplôme ou certificat, est le seul moyen pour être employé par l’Etat et être ainsi à l’abris des rudes impondérables du destin – à utiliser leur expression -. Mais nos pauvres parents avaient leur prétexte en dehors de ce que peut représenter la dureté de la vie. En dehors des autres préoccupations toutes aussi primordiales que l’éducation de leurs enfants, leur subsistance, leur habillement, un logement, enfin à leur assurer un minimum vital pour subvenir tant bien que mal à leur demande grandissante avec leur âge et leur niveau d’étude. Nés sous l’occupation - française au centre et espagnole au nord et au sud du pays-, ils ont vécu l’avènement de l’ « indépendance ». 
    D’ailleurs, on comprend qu’ils n’ont jamais été à l’école sauf coranique et encore pour les garçons, car leurs parents à eux avaient d’autres chats à fouetter aussi. 

vendredi 22 novembre 2019

2 - Tout découle de ma mémoire


      Enfin, sans notes intimes et personnelles que j’aurais mis à la marge de ma vie, tout devrait découler de ma mémoire. 
       Ma seule source. 
       Le plus naturellement du monde. 
Toutefois, aussi docile qu’elle soit la mémoire, il faut avouer qu’un chatouillement est parfois utile pour qu’elle nous livre un des souvenirs qui serait bien enfoui et dissimulé jusqu’à la limite de l’inconscient même. C’est fou ce qu’aime nous impressionner, cette entité vivante et intelligente qu’est la mémoire : elle nous expose les faits nous ayant choqués, éblouis, fascinés, et donc marqués au devant de l’étalage de sa vitrine qu’on voit automatiquement dés qu’on l’interpelle ; mais elle nous dissimule ceux qui passent sans laisser de trace, en silence, ceux qui se ressemblent jusqu’à même les confondre.
       C’est d’autant plus vrai que je serais incapable de me rappeler ce que j’ai fait des années durant. Ou du moins pendant la majeure partie de quelque année qu’elle soit à partir du moment ou je me considère tombé dans un piège, pris dans un guet-apens, sinon à suivre le même itinéraire : entre le chez moi - chez mes parents je veux dire ! -  et le Café club dont je fais mon quartier général et mon lien avec le monde aussi. 
C’est encore heureux s’il m’arrivait des déplacements qu’ils soient forcés ou agréablement planifiés et qui me changeaient de cette ennuyeuse routine. De ce fait, une expérience que j’aurais vécue intensément ou un événement bien particulier qui se serait déroulé dans ma vie ou celle de mes proches ; se confond dorénavant avec une année toute entière pour moi. Pour ma mémoire, à vrai dire.
      Mais toujours est-il que je dois me livrer au lecteur mais, nu. 
      Aussi découvert que cette envie d’écrire s’est bien acharné à m’exhiber. Incessante qu’elle est et capricieuse. C’est à peine si elle me laisse le temps de réfléchir que je me vois déjà entrain de goûter à ses délices, se moquant éperdument par quel bout commencer, ni quel ordre chronologique suivre. Tout se mêle dans ma tête et s’emballe jusqu’à m’illusionner de pouvoir écrire. 
     Mais je me connais, passionné que je suis, je n’en démords pas. Je me demande si cette envie ne serait pas en train de se transformer, maintenant que je m’y mette, en plaisir. Car, à mon enchantement, je découvre bel et bien un loisir auquel je m’adonnais alors que j’étais encore au lycée. 
     Familiarisé avec la langue française (qui nous a quand même accompagné dés la 3ème année du primaire, bilinguisme oblige, et langue d’enseignement des matières scientifiques au Maroc jusqu’aux débuts des années 80 dans les établissements publiques), et fasciné par les publications d’un quotidien marocain d’expression française, de pages hebdomadaires pour les jeunes ; je tentais bien des fois ma chance. Sans être vraiment intéressé par les sujets traités, mais plutôt de voir un jour le nom de ma petite ville accompagnant mon pseudonyme au dessous de l’article. Histoire de rivaliser avec les autres, ceux qui écrivaient régulièrement et à qui, le français était acquis d’avance depuis la maternelle. Fils de cadres peut-être ayant étudié à la « mission française » ou de parents français tout simplement. 

mercredi 20 novembre 2019

1 - Écrire pour l'Histoire

 

        Il y a longtemps que l’envie d’écrire me chatouille, ce désir irrésistible de traduire en mots ce qu’on ressent, ce qu’on vit, ce qui nous porte à croire, en somme, que l’on est différent parce qu’il nous est arrivé de vivre des situations que les autres n’ont pas connu ou trouveraient inhabituelles à connaître. Envie d’écrire oui, mais écrire quoi au juste et pourquoi ? C’est étrange, à chaque fois que je m’y applique, crayon en main et fortement motivé par ce que je ne saurais parfaitement décrire, les idées qui pourtant se bousculent à l’instant dans ma tête à en déborder, s’échappent d’un coup et me laissent affronter mon destin face à ce que je m’illusionne de traduire.

        C’est vrai que j’ai toujours été fasciné par ces romanciers qui ont le don de nous mettre dans le décor aussi réel qu’imaginaire de leur écrit, tant ils excellent dans la description des faits et des panoramas de leurs histoires qu’on s’y croit dedans. A mon sens, la créativité chez ces auteurs ne réside pas dans leur capacité à inventer des histoires autant qu’elle se manifeste dans leur description à la fois raffinée et perceptible par le simple lecteur.

        Or, Mes idées à moi ne sont guère à créer ni à imaginer, mais nées bel et bien sous le joug de mon vécu, de ma condition de vie et de mon milieu, bref de ma vie de chômeur –chômeur malgré lui- et pourtant je suis contraint à leur donner la forme et la couleur telles que je les perçois, telles que je les visualise tant elles me collent à la peau jusqu’à influencer ma vision des choses et particulièrement mon jugement sur divers autres phénomènes de notre société. De là, à les transmettre, et encore fidèlement au lecteur, c’est une autre histoire.

        Mes idées à moi ont un goût aussi. Celui de l’amertume. Tel un vin savoureux qu’on déguste en plein bonheur ou un apéritif aussi doux à ingurgiter qu’on s’y donne volontiers juste pour se griser un peu la tête, sauf qu’on se découvre aussitôt après, éméché pour finir étourdi et carrément désorienté. Tellement le vin était truqué !

        Écrire pour parler de mon gouffre ou j’étais englouti des années durant ?

        Ou plutôt de mon adaptation lente mais progressive et donc sure, à un rythme de vie ou je semblais me complaire ? Une famille solidaire et compréhensive à bien plus des égards et une petite ville apparemment calme mais morte et loin des zones économiquement utiles. Deux conditions significatives et dans lesquelles cette complaisance trouverait bien le prétexte pour perdurer et s’épanouir. Car si d’un coté, on assimile tant bien que mal, des dépenses quotidiennes - argent de poche en quelque sorte - nécessaires pour la ration journalière de la nicotine, de la caféine et d’un journal ou l’on souhaite trouver un jour une annonce sérieuse d’un emploi ou d’un concours ; de l’autre on est contraint à rester sur place et guetter de loin les informations d’éventuels recrutements issus des grandes villes, tellement les déplacements sont coûteux.

      Ou écrire pour parler de la pente rude que j’ai réussi, téméraire que je suis, à entamer enfin de compte, et que je me voix, encore aujourd’hui, entrain d’arpenter tellement elle s’aplanit devant ma détermination? Car après biens des tergiversations frôlant le dérapage de l’esprit parfois, je me posais d’interminables questions après chaque occasion ratée pour avoir une vie professionnelle et donc sociale. Histoire de comprendre le pourquoi de ces échecs, concevables aux débuts mais qui devenaient systématiques à la longue. 

Des questions dont la réponse ne peut être atteinte qu’au delà du surpassement de soi même. 
Le «soi», cet être imprégné d’une culture bien propre à lui, eu égard à son éducation et son évolution mais qui est sensé aussi porter les traces du patrimoine culturel de sa tribu dont il est originaire. 
En somme, au delà de toutes considérations psychologiques individuelles ou sociétales qui nous ramènent souvent à des réponses automatiques et donc faciles, face à des interrogations incessamment posées.  
    Ou écrire pour signaler à travers mon cas, celui de milliers de personnes sans emploi ? 
    Des chômeurs égarés.   
    Si les uns trouvent une issue heureuse parce que, «débrouillards» ils réussissent tant bien que mal à se faufiler dans l’engrenage qui régit le marché de l’emploi dans notre pays ou parce qu’ils atteignent -vivants- l’autre rive de la méditerranée ; les autres par contre, «incapables» ou invalides, restent figés dans l’espace et le temps. Car, si le chômage est un problème qu’on dit bel et bien mondial quoiqu’il n’ait pas la même signification et définition que dans les pays développés l’ayant connu et traité avant nous, il prend une dimension particulière dans mon pays. Vécu intensément par une grande masse de jeunes et de moins jeunes, d’hommes et de femmes, diplômés ou non, que la majorité des familles s’y trouvent affectée dans l’un de ses membres à la campagne comme à la ville. C’est un phénomène de notre société et de toute société comparable à la notre je suppose, dont l’approche littéraire ou scientifique semble imprécise tant on est perdu par les divers aspects de sa manifestation au niveau collectif ou individuel. Au niveau officiel déclaré ou informel et tacite. Au niveau de la solidarité exprimée par la société civile compatissante ou de la marginalisation et l’exclusion systématiques par les intervenants politiques. 
Au niveau d’une mentalité fataliste mais bien ancrée dans notre société ou d’un militantisme jaillissant mais farouchement opprimé.   
      Et voilà donc que je réalise au fur et à mesure que j’essai d’écrire, que «mes idées» à moi ne sont nullement ces pensées abstraites qui nous tiennent généralement pendant des éclairs de lucidité mais sont plutôt le fruit d’un amalgame de faits réels et d’événements ordinaires ou peu banales que j’ai vécus au cours de mon périple mais que je vois vivre toujours des gents de mon époque et de mon pays. 
Un ensemble d’images, d’impressions, de témoignages, de descriptions, de critiques et d’appréciations aussi.
      Le fruit d’une interaction entre l’individu, qui ne peut être que moi, avec son milieu.
      Une interaction dont jaillit une certaine philosophie, ma philosophie à moi.
    Ainsi donc je me livre au lecteur en donnant libre cours à mes pensées et mon récit sans avoir sous la main un agenda ou un livre personnel de ceux qu’on a l’habitude d’écrire à un certain stade de notre vie. Un livre qui serait plein de noms de personnes ou de lieux, d’événements ou de dates. D’ailleurs si j’avais cette habitude je l’aurais certainement fait et assidûment, du moins durant des événements marquants de mon pays et de ma localité dont j’étais au cœur ou de circonstances qui auraient pu être prévisiblement prépondérantes dans ma vie.
      C’est encore heureux si je conserve quelques livres de mes études à l’université et quelques programmes dont je pensais faire ma spécialité d’avenir. En réalité je ne dispose que d’un patrimoine constitué de divers documents que j’ai glanés au fil des jours, depuis mes premières confrontations avec les réalités déplorables du marché de l’emploi au Maroc. Un grand cartable bien rempli de lettres de correspondances, d’articles de journaux, d’idées de projets morts nés, de convocations et des reçus de dépôts de candidature, des rapports de stages et de quelques expériences bien limitées, etc... 
        En plus de quelques livres bien sur.
      Mais qui aurait imaginé qu’un jour il serait tenté ou incité à écrire de lui même, ne serait-ce que d’une partie de sa vie parce qu’il se serait rendu compte qu’au fait, il a vécu une expérience digne d’être raconté sinon dans son propre pays, pour le monde entier ?
      Qui aurait eu assez de courage, un courage supplémentaire de celui dont on use déjà pour affronter le quotidien de sa vie de chômeur, pour enregistrer des jours qui se suivent et se ressemblent ?
      Même en pleine détresse je ne l’aurais jamais fait.
Conscient que j’étais que seul le moyen permettant un gagne-pain, puisse susciter un intérêt. Dignement je m’entends. C’est dire à quel point le pain, condition vitale mais auquel l’on ne peut atteindre sans mobiliser des moyens matériels, peut primer des fois sur l’esprit, autre condition vitale mais nourrie de valeurs morales.
      C’est dire autrement aussi que le fait d’écrire pour uniquement écrire, s’il ne semble pas utile dans les circonstances du moment et de l’époque, peut s’avérer décisif pour l’histoire. Qu’elle soit personnelle ou collective. Car cet ensemble d’événements qui est l’Histoire et dont l’Homme, contraint ou volontaire, est le chef d’orchestre, est indissociablement lié à la notion du temps. Donc devient intraitable, non rattrapable et non rectifiable sinon dans un autre contexte. Irréversible, le temps nous empêche en effet de revoir nos actions pour rectifier nos éventuelles erreurs du passé. Plus encore, le temps dans son évolution joue à doubles faces: Aussi incessamment inflexible qu’il nous stresse à nous décider et à agir face à des situations, le temps devient paradoxalement souple pour conditionner justement notre vision à notre histoire. Ainsi il semble tantôt rétréci, pour nous apprendre qu’une telle action ou tel démarche fut trop exalté qu’il ne le fallait ; tantôt dilaté pour nous rendre compte de la grossièreté d’une erreur ou exaction qu’on croyais plus infime.