Il est vrai et légitime aussi de faire des démarches époustouflantes en vue d’un dialogue à l’arraché avec les autorités – localement ou au niveau central - pour un quota au profit essentiellement des adhérents de l’Association dans toutes éventuelles opportunités d’embauche. Tant que ces adhérents, pour des considérations d’âge ou d’idées aussi – il faut le signaler !- se voyaient exclus à priori à l’occasion de toute sélection ou concours. Seulement l’on ne réalise la grandeur de ces démarches que lorsque la réponse des interlocuteurs se fait plutôt générale, en annonçant la création à chaque fois que la pression monte, de programmes d’insertion aussi diversifiés qu’inadaptés aux réalités et donc voués à l’échec.
Parfois la réponse peut aller jusqu’à faire plutôt des victimes !
En effet ! L’exemple le plus frappant étant celui de l’opération bien fameuse : «Annajat».
D’ailleurs cette opération mérite bien que je m’y attarde, juste le temps de montrer comment des chômeurs se sont fait escroquer sous les yeux de leur État. Quelle irresponsabilité !
Cette opération datant de 2002, est la plus spectaculaire des autres programmes conçus pour assister les demandeurs d’emploi, après qu’on aie institué un autre organisme : l’ «A.NA.P.E.C.» (Agence Nationale de Promotion de l’Emploi et des Compétences) ». Une agence gouvernementale créée en 2000.
Mais une fois créée, on a mis à sa tête un dirigeant du même parti politique que celui du ministre de tutelle: de l’emploi.
Alors, ce qui devait arriver, arriva !
D’autre part, le nom de l’opération «Annajat» se réfère à « Annajat Marine Shipping L.L.C » qui est une entreprise de transport maritime basée aux Émirats arabes unis et qui se spécialise dans les services de transport et de logistique liés à l'industrie maritime. Elle offre un éventail de services, tels que le transport maritime en vrac, en conteneurs ou en cargaisons spéciales, la logistique maritime, l’affrètement de navires, des services de courtage maritime et de gestion de flotte (c'est ce qu"on pouvait lire sur son site en ligne). La société émiratie, elle même apparemment intermédiaire, devait recruter à partir du Maroc, des milliers de mains d’œuvres pour travailler en mer : une offre pour 30.000 Marocains dans des postes à bord de bateaux de plaisance pour début août 2002. De quoi en faire rêver plus d'un chômeur qu’il soit associationniste (Andcmiste) ou non. Ce qui ressortait en principe de la tâche justement de l’ANAPEC. Évidemment, les candidats n'avaient pas tardé à se manifester. Seulement l’affaire devait se passer d’abord dans les coulisses du parti considéré, le parti traditionnel et bien connu – et dont le nom entonne avec le mot «indépendance» d’ailleurs-, avant d’éclater au grand jour. Les pauvres préposés candidats, quelques 80.000 au total – car en plus des bienheureux malheureux, il y avait les autres, ceux ayant pu reniflé l’odeur de la transaction en dehors de ce parti ou de ce «souk» - devaient payer 1000 dirhams chacun pour un examen médical (qui coûtait en réalité seulement 900 dh) et bien entendu dans une seule et unique clinique couvrant tout le territoire national, avant de signer le contrat de travail. Il suffisait d'être apte physiquement et sans avoir besoin de qualifications professionnelles déterminées, et donc pour cela, une visite médicale s'imposait. L’examen médical obligatoire devait être fait dans une clinique unique, bien définie et nommée, sise à Casablanca exactement.
Examens passés et contrats signés, sauf qu’il n’y a jamais eu par la suite ni «annajat» ni travail.
A qui avait donc profité l’affaire ? L’opération de la multiplication est pourtant simple.
A moins que le doigt de l’accusation ne se dirige directement (encore une fois) vers les manipulateurs de l’échiquier politique au Maroc qui auraient voulu attirer la sympathie des électeurs lors des élections législatives qui allaient suivre en septembre 2002 vers le parti concerné.
La responsabilité de l’État est bien engagée puisque l’ANAPEC agence publique, n'avait même pas pris en considération des informations et des avertissements venus de différentes sources, à l’époque, et qui, toutes, avaient signalé que l'affaire sentait l'arnaque par sa ressemblance à des opérations que la même société avait déjà entreprises dans de nombreux pays comme le Kenya, la Syrie et la Jordanie.
Un des argument qui confirment bien que nos chômeurs avides d’emploi se sont fait carotter, c’est que, selon les experts en milieu juridique et professionnel, c’est l'employeur final qui doit prendre en charge tous les frais de visite médicale, de visa, de voyage et d'assurance. Les frais relatifs à la constitution du dossier de candidature, ne doivent aucunement être à la charge du chercheur d'emploi. Les conditions que prévoit ce genre de contrat sont que la visite médicale, elle, ne devrait être demandée qu'au stade d'embauche définitive et, généralement, cette visite, ou contre-visite, est opérée par les autorités médicales du pays de destination. A ce sujet, faut-il rappeler que les premiers inscrits pour ce programme, l'ont été en mars 2002, alors que la date contractuelle du début d'embauche stipulait le mois d'août 2002.
Enfin
parmi les victimes de la supercherie, on a pu compter malheureusement quatre
candidats déçus et qui se sont suicidés.
Ainsi donc, cet organisme échouera même pour jouer le rôle d’un intermédiaire exportateur d’une main d’œuvre à bas prix!. C’est le cas de le dire car l’ANAPEC allait amputer, et c’est le comble, des royalties des salaires de ces préposés travailleurs, ces victimes, une fois engagés.
En somme, même à un travail en tant qu’ouvriers et encore en pleine mer qui durerait des mois, les chômeurs quoiqu’avec de hauts diplômes, y compris les adhérents de l’Andcm aussi, ne diraient jamais non, au contraire. Il y en a même qui ont laissé tomber leurs petits jobs et qui ont liquidé leurs commerces auxquels ils s’étaient convertis auparavant pour s’investir dans cette opportunité qu’ils pensaient salvatrice (« Annajat » en arabe ne veut-il pas dire « l’opération de sauvetage » ?).
N’est-ce pas triste et cynique ? Tellement on a besoin de travailler au Maroc. Tellement on rêve de travailler. Et tellement on se moque de nous.
Personnellement j’en ai échappé belle, sauf que j’en ai profité pour déposer un dossier à la fameuse ANAPEC – sait-on jamais à l’avenir -, n’étant mis au parfum qu’à la dernière minute. C’est bien une affaire d’escroquerie de l’État vis-à-vis de ses citoyens et d’une compagnie bidon vis-à-vis de l’État. Le plus malheureux dans cette escobarderie était le rejet mutuel de responsabilité les uns sur les autres au gouvernement, toujours de gauche disait-on! - de 1998 quoique remanié -. J’imagine le tollé que cette naïveté ou escroquerie pourtant bien prévisible, surtout à l’échelle d’un État, aurait fait dans toute démocratie où, avant même que l’affaire ne s’éclate en grand scandale, le ministre responsable aurait démissionné sinon tout le gouvernement. Et peut-être même le président de l’État.
C’est ainsi que nos hommes politiques manquent de courage. Ou tout simplement mais tristement, que nous manquons de démocratie.
On l'aurait bien compris. Et sans commentaire! : Justement, le ministre de l’emploi de l’époque,
président du dit parti, allait être par la suite nommé Ministre d’État – même sans
portefeuille - dans le gouvernement suivant. Que dis-je ? Il allait être
nommé premier ministre dans un gouvernement qui allait suivre. Le jeu s'avérait d'ores et déjà clair!
N’est-on pas alors en droit de se demander sur le bien fondé de telles réponses à la problématique de l'emploi ? Volonté réelle pour «faire la guère» au chômage comme ils disent ? Ou seulement une poudre dans les yeux pour absorber à chaque fois, la colère des mouvements protestataires dans la rue et gagner du temps ?
En tout cas, l’on se bat pour un morceau de pain digne mais l’on se retrouve enfin, considéré, qu’on le veuille ou non, comme un grain de sable dans l’engrenage. D’où la farouche oppression dont souffre tout chômeur, qu'il soit de l'ANDCM, victime d'"Annajat" ou pas encore déclaré!
La matraque ne fait pas d'exclusion semble-t-il ou y aurait-il une démocratie: celle du gourdin ?