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Avant de lire ....

Il était une fois un chômeur dans le "pays des chômeurs" je veux dire des "achômés" ! voilà une expression qui pourrait enrichir la francophonie puisque le mot correspondant du terme « moâttal » en arabe ou en marocain et qui veut dire « mis au chômage » ou « mis en panne » n’existe pas en français en un seul mot. Alors le terme « achômé » peut faire l’affaire en un mot non-composé qui sous-entend au chômage malgré lui ! ».
On l’a rendu chômeur !

Pour lire le récit, commencez par l'article N° 1 - Écrire pour l'Histoire

dimanche 6 novembre 2022

23 - 1991 : le 26 octobre, l’ANDCM, ingéniosité des « jeunes au chômage » prend de court le CNJA, manigance de « l’État » !

     En définitive, de mon univers bien paisible et tranquille dans ses apparences mais tumultueux et anxieux dans sa profondeur, je suivais des événements qu’ont connus des amis, des proches ou des parents. Des faits qui étaient rapportés autrement de bouche à oreille, dans des quotidiens indépendants ou des hebdomadaires franchement résolus à dire la vérité ou s’y approcher.  

   Jusqu’au jour ou je découvre la « section locale » de l’ «A.N.D.C.M» (Association Nationale des Diplômés Chômeurs du Maroc ) de ma petite ville.

    Une « section » c’est-à-dire « une branche », « une annexe » ou « une cellule » ayant trouvé à son tour, les conditions propices et idéales pour germer et mûrir. Je fais allusion aux conditions de rejet et de marginalisation ayant abouti indiscutablement à la poussée - comme des champignons - de ramifications de l’ANDCM à travers le territoire marocain, partout ou le sentiment de la frustration régnait. Conséquence de la manière bien particulière d’embauche et de recrutement des diplômés dans l’administration en général, les collectivités locales, les provinces et ministères.

     En bref, injustice après injustice, il n’y avait d’autres alternatives pour les chômeurs que de dire « y’ en a assez ! Ras-le-bol ! » Ainsi, des groupuscules de protestataires qui étaient éparpillés au début dans leurs démonstrations, au niveau de la capitale du pays, allaient s’unir et s’organiser, conscients qu’ils étaient affligés par le même malheur. Ils étaient parvenus finalement à créer en plein jour, selon la loi en vigueur, un cadre juridique leur permettant d’un coté de manifester leur mécontentement et de l’autre, d’attirer l’attention de l’opinion publique nationale sur leur cas. Il en a résulté, le 26 octobre 1991 la naissance de ce groupement de diplômés au chômage qui, par la suite, allait dénoncer aussi la manière bien problématique avec laquelle on approche le chômage en général au Maroc. Seulement leur cas s’était avéré unanime et des demandes d’adhésion parvenues de tous les coins du pays étaient incessantes. Alors des ramifications et des cellules locales allaient  voir le jour sous l’égide de cette association désormais forte de sa masse d’adhérents. Manière qui battait son plein après un recensement collectif et national pour le recrutement selon des critères pourtant bien établis et qui devaient prendre en compte des considérations d’âge et de situation social et familiale. Je me rapporte à ce sujet à l’une des premières institutions créée la même année (en 1991), en réponse à cette première pression émergente et encore timide de chômeurs lauréats des universités et diverses écoles, le fameux C.N.J.A (Conseil National de la Jeunesse et de l’Avenir).


 
A ce sujet il est primordial et juste de préciser que les promoteurs de l’initiative de l’ANDCM nient toute relation avec la constitution du CNJA. L’ANDCM est le résultat d’une part, de la coordination des initiatives locales de dénonciation des difficultés d’insertion professionnelle des diplômés qui ont surgi depuis le milieu des années 1980 et, d’autre part, de la revendication que les autorités publiques assument leurs responsabilités. C’est l’article 13 de la Constitution marocaine qui fonde la revendication de l’ANDCM : la reconnaissance par l’État de ses obligations en matière d’emploi, et partant, du recrutement des adhérents.

    Or, le CNJA, cet organisme, tel qu’il était annoncé officiellement, allait permettre la création d’une centaine de millier de postes annuellement. Et tel qu’il a travaillé, allait faire des recensements et des constats face auxquels il devait annoncer divers programmes d’insertion ou d’auto-insertion. Mais tel qu’a été la réalité, c’est la loi du « souk » qui a prévalu encore une fois.

    Et pour une fois, les dirigeants ont été pris de court par ces jeunes bien avisés, en adéquation avec leur environnement dans son contexte historique et ayant bien compris que c’est d' « une lutte de classe » qu’il s’agit.

    C’est ainsi que le Maroc connaîtra inévitablement, malgré les embûches et l’oppression, la création d’une association unique dans son genre par la nature de sa revendication se rapportant au « droit au travail » autrement au pain digne et donc à la survie. En plus de sa qualité organisationnelle et son indépendance totale de tout intervenant politique ou syndical. Et ce, en l’absence de toute subvention aucune ou de locaux propres à elle pour ses activités internes. Elle a encadré des milliers de chômeurs, de jeunes, d’hommes et de femmes vieillis par le temps et l’espoir, de couples mêmes avec enfants et des désespérés au bord de la déroute.

     Combien j’étais fort impressionné dès ma première « bataille  Nationale » en 1999 (« bataille » : ainsi on appelle tout programme de manifestation, sit-in, marche, etc. entrepris au niveau local ou national) tellement je lamentais mon adhésion tardive à ce groupe auquel je m’identifiais corps et âme. J’avais pris du retard car, malgré des prémices encourageantes de cette alliance d’ex-étudiants obligés d’extrapoler leur militantisme idéologique limité dans l’espace de l’université, à « une guerre » de lutte de classes sur le terrain dans l’espace de leur environnement ; j’étais très méticuleux, prudent et  perfectionniste voulant savoir où j’allais mettre les pieds ! Mais une fois passé le cap après moults tergiversations et hésitations, je me suis retrouvé entre les miens : ceux à qui je ne pouvais même pas lever les doigts pour un signe de « V » à « l’époque de l’ignorance » quand je croisais un groupuscule criant sa détresse, qui était mienne pourtant, mais ceux qui allaient me permettre une identité à scander à bras le corps cette fois-ci, cassés les tabous du qu’on dira-t-on, n’étant pas passé par l’école de l’université de mon pays !

   Cette extraordinaire association, a eu tant de succès que de notoriété au sein des villes, patelins, régions ou partout où une section locale était active ; se caractérisant par son organisation interne très démocratique, ses congrès réguliers, ses slogans et ses types d’activités novatrices, qui allouaient à un adhérent des qualités militantes dépassant celles d’un partisan de parti politique quel qu’il soit. Elle a fait parler d’elle au sein de la population par le terme de « diplômés chômeurs » dans le jargon local, introduit par la force des choses et qui avait comme connotation « chômeurs protestataires, associationniste, de l’ANDCM justement ! Sa réputation de se faire entendre et exister malgré l’oppression farouche depuis la dénégation de reconnaître la création par les autorités administratives et judiciaires jusqu’aux interventions musclées pour disperser les manifestants et faire peur aux autres non encore adhérents, venait couronner la légitimité de ses réclamations. Même en excluant les cas de dialogues imposés avec des responsables locaux (des caïds, pachas ou gouverneurs) ou avec des maires qui voulaient gagner du temps ou montrer une fausse bonne intention ce qui procurait à l’ANDCM, revers de la médaille, une certaine reconnaissance de fait aboutissant bon gré mal gré dans certains cas à des placements dans des postes municipaux ou à défaut à des acquisitions d’autorisations d’exploitation de  kiosques ou des agréments de transport le cas échéant, quitte à faire taire ces voix qui prenaient de l’ampleur jour après jour.

    Au sein même des « forces de l’ordre », cette réputation est sous-entendue. Un agent de police ou un gendarme qui a l’ordre de matraquer un « chômeur diplômés » en exercice de ses droits au travail lors d’une « bataille », agit différemment en temps de « paix » serait-ce parfois au sein même des commissariats. Il manifeste son accord tacite soit-il et sa solidarité car en fin de compte il dot avoir chez lui, si ce n’est pas un fils, un frère ou une sœur, un parent « chômeur ».

   Pour le contexte, un week-end dans mes débuts dans la « section locale », j’étais de voyage en compagnie d’un ami. On était en route dans « un grand taxi » (Mercédès 240 blanche avec les fameux 7 places !!) vers une ville renommée à l’époque pour la vente de produits divers de contrebandes. En cours de route, des passagers descendaient et autres remontaient et à un moment donné  nous nous sommes retrouvés seulement deux, dans le siège arrière du « Taxi » en compagnie du chauffeur. Le gendarme de service sur cette route, devait nous arrêter comme à quoi on pouvait s’attendre ! Un « grand taxi » avec  deux passagers derrière, cela attise la curiosité ! Stop. Le brigadier voulait connaître notre destination associée à nos professions en s’adressant directement à nous ! Sans détour !! « Bon sang ! » je me suis dit « Quel merdier ! » C’est rare de tomber dans un piège pareil, à la rigueur cela revient dans des conversations avec des inconnus qui vous posent les mêmes questions... mais là ! Attention c’est l’autorité ! Qu’allais-je répondre, moi, « chômeur de ma vie » ? Que moi aussi je travaillais comme employé de pharmacie tel mon accompagnateur ? Dieu merci, ma spontanéité dans la réponse, dictée par mon inconscient remis à zéro, a pris le dessus et m’a fait sincèrement et ... courageusement répondre :

                « Moi,... je fais partie des diplômés chômeurs » !

    Quel soulagement !

    Après le signe qui en disait long du gendarme manifestant une solidarité aussi inconsciente que spontanée, car à l’écoute du « terme », il a donné ordre au chauffeur de circuler sans un mot !!

    Mon identité était d’ores et déjà bien forgée !  et de sitôt bien ancrée !!

    Je suis un ANDCMiste.

   Chômeur, oui ! Mais « associationniste ! » Autrement dit « Manifestataire ! » J’aurais aimé l’exprimer plutôt en dialecte marocain « min hamili chawahid al moâttalin » (qui veut dire en français : les tenants des diplômes et qui font partie de ces manifestants ! Nuance !!).

   J’étais fier ! Mon combat était légitime ! Je faisais bonne route !!

Décidément !

   Je le suis toujours d’avoir fait partie de cette organisation exceptionnelle unique en son genre dans la région de l’Afrique du nord peut-être bien aussi dans le monde qu’on appelle « arabe ». Il viendra un temps où les historiens, anthropologues, sociologues et autres, se pencheront sur ce détail du Maroc contemporain. L’ANDCM compte déjà ses martyres auxquels, moi « chômeur de la politique de mon pays » je dois mon salut pour être sacrifiés pour moi. Pour avoir dit à voix haute « Je réclame mon droit au travail »  L’ANDCM où j’ai enfin appris que rien que le fait d’avoir un passeport, droit universel et qui va de soi de nos jours, ne l’était pas au Maroc il y a quelques années où il fallait faire autant de sacrifices et de lutte pour l’avoir. 

         « Pourquoi un passeport ? »    

        « Tourisme ? Viste d’abord les coins de ton bled avant de voir ailleurs ! »  Pas loin que pendant les années 70.

  Libre d’extrapoler aux autres ...droits légitimes et universels qui nous ont toujours demandé des luttes interminables pour en bénéficier à l’instar des autres peuples du monde.

     De cette noble association qui sans le vouloir, porte sa mort dans son objectif prioritaire et définitif d’un côté et de l’autre s’est vu être confrontée en premier lieu au « droit à l’organisation » et donc à encadrer des milliers de personnes dans un contexte historique qui risquait la dérive et l’anarchie pour ne pas dire la « révolution » pure et simple : le mot qui dérange le statu quo ! qu’en restera-t-il si les militants arrivaient à être casés ? Et pourtant l’État marocain n’en a su que faire. A faire déclarer par le biais de son fameux ministre de l’intérieur de l’époque, au cours d’une des tentatives désespérées d’un faut dialogue avec l’exécutif de l’Association, qu’une telle organisation « lui a glissé les doigts !». Lui, pourtant bras droit du pouvoir et qui était justement à la tête de la « mère des ministère ». Lui, qui avec d’autres subordonnés et des lèches bottes camouflés en politiciens de dernière génération, était sensé gérer toutes les affaires du royaume.

     Donc, l’État, pris de court, ne pouvait que jouer au malentendant, à l’aveugle ou au laisser traîner jusqu’à épuisement total. Ou le cas échéant, lorsque  la pression monte et devient irrépressible, se laisse tomber des miettes des mains de ses hommes d’autorité, walis, gouverneurs ou pachas par défaut, autorisés à gérer à leur gré et selon leur humeur la chose sociale dans leurs territoires d’exercice en l’absence des élus qui, s’ils ne sont pas complices, se soumettent pour en tirer des faveurs électorales ou personnelles.

    C’est ainsi aussi que les heureux représentants parlementaires ou communaux, sans prendre des initiatives émanant de leurs responsabilités et sans ouvrir de dialogues réels et sérieux, allaient laisser ces demandeurs de droit venant manifester leur dégoût prés des institutions législatives ou communales, à la merci du gourdin. Que dis-je ? A la merci aussi de procès et jugement scandaleux et d’accusations à tort et à travers. Bref à la merci d’un système judiciaire dépendant, compromis aussi et défectueux.

     Le lecteur s’en doute bien, les érudits chômeurs créateurs de cette organisation, étaient confrontés à résoudre l’inéquation selon laquelle, il fallait être d’une part, efficace pour manifester le droit au travail, mais d’autre part, légal dans un pays se vantant d’institutions quoique sans âme. Mais devant des agissements injustes vis-à-vis des ayant droit, on n’allait jamais reconnaître officiellement un tel rassemblement quoique remarquablement  organisé, de personnes – pourtant de caractère pacifique et civilisé aussi- et encore moins autoriser des manifestations locales ou pire, organisées au niveau central, à Rabat la capitale, lorsque la situation l’exigeait, par la participation de toutes les « sections » de l’ANDM venues de tous les coins du pays.   

    C’est bien claire, l’ « esprit» instigateur et auquel on fait face est bien judicieux encore une fois. Te reconnaître c’est te donner la légitimité de dialoguer avec lui et par là, à le critiquer. Et ça, niet ! Seulement parvenir à hausser la voix et encore, en plein jour et même plus, après un préavis et distribution de tracts, et en agissant comme si l’on était « officiellement » reconnu, constitue en lui-même un défi. Relevé avec bravoure. Avec beaucoup de sacrifice certes mais relevé. Ce n’est déjà pas mal, devant cette machine.

      Mais ceci est ma philosophie à moi.

      Sur le terrain on pense pain. 

   A suivre ...