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Avant de lire ....

Il était une fois un chômeur dans le "pays des chômeurs" je veux dire des "achômés" ! voilà une expression qui pourrait enrichir la francophonie puisque le mot correspondant du terme « moâttal » en arabe ou en marocain et qui veut dire « mis au chômage » ou « mis en panne » n’existe pas en français en un seul mot. Alors le terme « achômé » peut faire l’affaire en un mot non-composé qui sous-entend au chômage malgré lui ! ».
On l’a rendu chômeur !

Pour lire le récit, commencez par l'article N° 1 - Écrire pour l'Histoire

dimanche 6 novembre 2022

23 - 1991 : le 26 octobre, l’ANDCM, ingéniosité des « jeunes au chômage » prend de court le CNJA, manigance de « l’État » !

     En définitive, de mon univers bien paisible et tranquille dans ses apparences mais tumultueux et anxieux dans sa profondeur, je suivais des événements qu’ont connus des amis, des proches ou des parents. Des faits qui étaient rapportés autrement de bouche à oreille, dans des quotidiens indépendants ou des hebdomadaires franchement résolus à dire la vérité ou s’y approcher.  

   Jusqu’au jour ou je découvre la « section locale » de l’ «A.N.D.C.M» (Association Nationale des Diplômés Chômeurs du Maroc ) de ma petite ville.

    Une « section » c’est-à-dire « une branche », « une annexe » ou « une cellule » ayant trouvé à son tour, les conditions propices et idéales pour germer et mûrir. Je fais allusion aux conditions de rejet et de marginalisation ayant abouti indiscutablement à la poussée - comme des champignons - de ramifications de l’ANDCM à travers le territoire marocain, partout ou le sentiment de la frustration régnait. Conséquence de la manière bien particulière d’embauche et de recrutement des diplômés dans l’administration en général, les collectivités locales, les provinces et ministères.

     En bref, injustice après injustice, il n’y avait d’autres alternatives pour les chômeurs que de dire « y’ en a assez ! Ras-le-bol ! » Ainsi, des groupuscules de protestataires qui étaient éparpillés au début dans leurs démonstrations, au niveau de la capitale du pays, allaient s’unir et s’organiser, conscients qu’ils étaient affligés par le même malheur. Ils étaient parvenus finalement à créer en plein jour, selon la loi en vigueur, un cadre juridique leur permettant d’un coté de manifester leur mécontentement et de l’autre, d’attirer l’attention de l’opinion publique nationale sur leur cas. Il en a résulté, le 26 octobre 1991 la naissance de ce groupement de diplômés au chômage qui, par la suite, allait dénoncer aussi la manière bien problématique avec laquelle on approche le chômage en général au Maroc. Seulement leur cas s’était avéré unanime et des demandes d’adhésion parvenues de tous les coins du pays étaient incessantes. Alors des ramifications et des cellules locales allaient  voir le jour sous l’égide de cette association désormais forte de sa masse d’adhérents. Manière qui battait son plein après un recensement collectif et national pour le recrutement selon des critères pourtant bien établis et qui devaient prendre en compte des considérations d’âge et de situation social et familiale. Je me rapporte à ce sujet à l’une des premières institutions créée la même année (en 1991), en réponse à cette première pression émergente et encore timide de chômeurs lauréats des universités et diverses écoles, le fameux C.N.J.A (Conseil National de la Jeunesse et de l’Avenir).


 
A ce sujet il est primordial et juste de préciser que les promoteurs de l’initiative de l’ANDCM nient toute relation avec la constitution du CNJA. L’ANDCM est le résultat d’une part, de la coordination des initiatives locales de dénonciation des difficultés d’insertion professionnelle des diplômés qui ont surgi depuis le milieu des années 1980 et, d’autre part, de la revendication que les autorités publiques assument leurs responsabilités. C’est l’article 13 de la Constitution marocaine qui fonde la revendication de l’ANDCM : la reconnaissance par l’État de ses obligations en matière d’emploi, et partant, du recrutement des adhérents.

    Or, le CNJA, cet organisme, tel qu’il était annoncé officiellement, allait permettre la création d’une centaine de millier de postes annuellement. Et tel qu’il a travaillé, allait faire des recensements et des constats face auxquels il devait annoncer divers programmes d’insertion ou d’auto-insertion. Mais tel qu’a été la réalité, c’est la loi du « souk » qui a prévalu encore une fois.

    Et pour une fois, les dirigeants ont été pris de court par ces jeunes bien avisés, en adéquation avec leur environnement dans son contexte historique et ayant bien compris que c’est d' « une lutte de classe » qu’il s’agit.

    C’est ainsi que le Maroc connaîtra inévitablement, malgré les embûches et l’oppression, la création d’une association unique dans son genre par la nature de sa revendication se rapportant au « droit au travail » autrement au pain digne et donc à la survie. En plus de sa qualité organisationnelle et son indépendance totale de tout intervenant politique ou syndical. Et ce, en l’absence de toute subvention aucune ou de locaux propres à elle pour ses activités internes. Elle a encadré des milliers de chômeurs, de jeunes, d’hommes et de femmes vieillis par le temps et l’espoir, de couples mêmes avec enfants et des désespérés au bord de la déroute.

     Combien j’étais fort impressionné dès ma première « bataille  Nationale » en 1999 (« bataille » : ainsi on appelle tout programme de manifestation, sit-in, marche, etc. entrepris au niveau local ou national) tellement je lamentais mon adhésion tardive à ce groupe auquel je m’identifiais corps et âme. J’avais pris du retard car, malgré des prémices encourageantes de cette alliance d’ex-étudiants obligés d’extrapoler leur militantisme idéologique limité dans l’espace de l’université, à « une guerre » de lutte de classes sur le terrain dans l’espace de leur environnement ; j’étais très méticuleux, prudent et  perfectionniste voulant savoir où j’allais mettre les pieds ! Mais une fois passé le cap après moults tergiversations et hésitations, je me suis retrouvé entre les miens : ceux à qui je ne pouvais même pas lever les doigts pour un signe de « V » à « l’époque de l’ignorance » quand je croisais un groupuscule criant sa détresse, qui était mienne pourtant, mais ceux qui allaient me permettre une identité à scander à bras le corps cette fois-ci, cassés les tabous du qu’on dira-t-on, n’étant pas passé par l’école de l’université de mon pays !

   Cette extraordinaire association, a eu tant de succès que de notoriété au sein des villes, patelins, régions ou partout où une section locale était active ; se caractérisant par son organisation interne très démocratique, ses congrès réguliers, ses slogans et ses types d’activités novatrices, qui allouaient à un adhérent des qualités militantes dépassant celles d’un partisan de parti politique quel qu’il soit. Elle a fait parler d’elle au sein de la population par le terme de « diplômés chômeurs » dans le jargon local, introduit par la force des choses et qui avait comme connotation « chômeurs protestataires, associationniste, de l’ANDCM justement ! Sa réputation de se faire entendre et exister malgré l’oppression farouche depuis la dénégation de reconnaître la création par les autorités administratives et judiciaires jusqu’aux interventions musclées pour disperser les manifestants et faire peur aux autres non encore adhérents, venait couronner la légitimité de ses réclamations. Même en excluant les cas de dialogues imposés avec des responsables locaux (des caïds, pachas ou gouverneurs) ou avec des maires qui voulaient gagner du temps ou montrer une fausse bonne intention ce qui procurait à l’ANDCM, revers de la médaille, une certaine reconnaissance de fait aboutissant bon gré mal gré dans certains cas à des placements dans des postes municipaux ou à défaut à des acquisitions d’autorisations d’exploitation de  kiosques ou des agréments de transport le cas échéant, quitte à faire taire ces voix qui prenaient de l’ampleur jour après jour.

    Au sein même des « forces de l’ordre », cette réputation est sous-entendue. Un agent de police ou un gendarme qui a l’ordre de matraquer un « chômeur diplômés » en exercice de ses droits au travail lors d’une « bataille », agit différemment en temps de « paix » serait-ce parfois au sein même des commissariats. Il manifeste son accord tacite soit-il et sa solidarité car en fin de compte il dot avoir chez lui, si ce n’est pas un fils, un frère ou une sœur, un parent « chômeur ».

   Pour le contexte, un week-end dans mes débuts dans la « section locale », j’étais de voyage en compagnie d’un ami. On était en route dans « un grand taxi » (Mercédès 240 blanche avec les fameux 7 places !!) vers une ville renommée à l’époque pour la vente de produits divers de contrebandes. En cours de route, des passagers descendaient et autres remontaient et à un moment donné  nous nous sommes retrouvés seulement deux, dans le siège arrière du « Taxi » en compagnie du chauffeur. Le gendarme de service sur cette route, devait nous arrêter comme à quoi on pouvait s’attendre ! Un « grand taxi » avec  deux passagers derrière, cela attise la curiosité ! Stop. Le brigadier voulait connaître notre destination associée à nos professions en s’adressant directement à nous ! Sans détour !! « Bon sang ! » je me suis dit « Quel merdier ! » C’est rare de tomber dans un piège pareil, à la rigueur cela revient dans des conversations avec des inconnus qui vous posent les mêmes questions... mais là ! Attention c’est l’autorité ! Qu’allais-je répondre, moi, « chômeur de ma vie » ? Que moi aussi je travaillais comme employé de pharmacie tel mon accompagnateur ? Dieu merci, ma spontanéité dans la réponse, dictée par mon inconscient remis à zéro, a pris le dessus et m’a fait sincèrement et ... courageusement répondre :

                « Moi,... je fais partie des diplômés chômeurs » !

    Quel soulagement !

    Après le signe qui en disait long du gendarme manifestant une solidarité aussi inconsciente que spontanée, car à l’écoute du « terme », il a donné ordre au chauffeur de circuler sans un mot !!

    Mon identité était d’ores et déjà bien forgée !  et de sitôt bien ancrée !!

    Je suis un ANDCMiste.

   Chômeur, oui ! Mais « associationniste ! » Autrement dit « Manifestataire ! » J’aurais aimé l’exprimer plutôt en dialecte marocain « min hamili chawahid al moâttalin » (qui veut dire en français : les tenants des diplômes et qui font partie de ces manifestants ! Nuance !!).

   J’étais fier ! Mon combat était légitime ! Je faisais bonne route !!

Décidément !

   Je le suis toujours d’avoir fait partie de cette organisation exceptionnelle unique en son genre dans la région de l’Afrique du nord peut-être bien aussi dans le monde qu’on appelle « arabe ». Il viendra un temps où les historiens, anthropologues, sociologues et autres, se pencheront sur ce détail du Maroc contemporain. L’ANDCM compte déjà ses martyres auxquels, moi « chômeur de la politique de mon pays » je dois mon salut pour être sacrifiés pour moi. Pour avoir dit à voix haute « Je réclame mon droit au travail »  L’ANDCM où j’ai enfin appris que rien que le fait d’avoir un passeport, droit universel et qui va de soi de nos jours, ne l’était pas au Maroc il y a quelques années où il fallait faire autant de sacrifices et de lutte pour l’avoir. 

         « Pourquoi un passeport ? »    

        « Tourisme ? Viste d’abord les coins de ton bled avant de voir ailleurs ! »  Pas loin que pendant les années 70.

  Libre d’extrapoler aux autres ...droits légitimes et universels qui nous ont toujours demandé des luttes interminables pour en bénéficier à l’instar des autres peuples du monde.

     De cette noble association qui sans le vouloir, porte sa mort dans son objectif prioritaire et définitif d’un côté et de l’autre s’est vu être confrontée en premier lieu au « droit à l’organisation » et donc à encadrer des milliers de personnes dans un contexte historique qui risquait la dérive et l’anarchie pour ne pas dire la « révolution » pure et simple : le mot qui dérange le statu quo ! qu’en restera-t-il si les militants arrivaient à être casés ? Et pourtant l’État marocain n’en a su que faire. A faire déclarer par le biais de son fameux ministre de l’intérieur de l’époque, au cours d’une des tentatives désespérées d’un faut dialogue avec l’exécutif de l’Association, qu’une telle organisation « lui a glissé les doigts !». Lui, pourtant bras droit du pouvoir et qui était justement à la tête de la « mère des ministère ». Lui, qui avec d’autres subordonnés et des lèches bottes camouflés en politiciens de dernière génération, était sensé gérer toutes les affaires du royaume.

     Donc, l’État, pris de court, ne pouvait que jouer au malentendant, à l’aveugle ou au laisser traîner jusqu’à épuisement total. Ou le cas échéant, lorsque  la pression monte et devient irrépressible, se laisse tomber des miettes des mains de ses hommes d’autorité, walis, gouverneurs ou pachas par défaut, autorisés à gérer à leur gré et selon leur humeur la chose sociale dans leurs territoires d’exercice en l’absence des élus qui, s’ils ne sont pas complices, se soumettent pour en tirer des faveurs électorales ou personnelles.

    C’est ainsi aussi que les heureux représentants parlementaires ou communaux, sans prendre des initiatives émanant de leurs responsabilités et sans ouvrir de dialogues réels et sérieux, allaient laisser ces demandeurs de droit venant manifester leur dégoût prés des institutions législatives ou communales, à la merci du gourdin. Que dis-je ? A la merci aussi de procès et jugement scandaleux et d’accusations à tort et à travers. Bref à la merci d’un système judiciaire dépendant, compromis aussi et défectueux.

     Le lecteur s’en doute bien, les érudits chômeurs créateurs de cette organisation, étaient confrontés à résoudre l’inéquation selon laquelle, il fallait être d’une part, efficace pour manifester le droit au travail, mais d’autre part, légal dans un pays se vantant d’institutions quoique sans âme. Mais devant des agissements injustes vis-à-vis des ayant droit, on n’allait jamais reconnaître officiellement un tel rassemblement quoique remarquablement  organisé, de personnes – pourtant de caractère pacifique et civilisé aussi- et encore moins autoriser des manifestations locales ou pire, organisées au niveau central, à Rabat la capitale, lorsque la situation l’exigeait, par la participation de toutes les « sections » de l’ANDM venues de tous les coins du pays.   

    C’est bien claire, l’ « esprit» instigateur et auquel on fait face est bien judicieux encore une fois. Te reconnaître c’est te donner la légitimité de dialoguer avec lui et par là, à le critiquer. Et ça, niet ! Seulement parvenir à hausser la voix et encore, en plein jour et même plus, après un préavis et distribution de tracts, et en agissant comme si l’on était « officiellement » reconnu, constitue en lui-même un défi. Relevé avec bravoure. Avec beaucoup de sacrifice certes mais relevé. Ce n’est déjà pas mal, devant cette machine.

      Mais ceci est ma philosophie à moi.

      Sur le terrain on pense pain. 

   A suivre ...

vendredi 15 avril 2022

22 - Le CNJA (créé en 1991) pour promouvoir l'emploi ou pour évaluer la catégorie mobilisable des groupes revendicatifs ?

     De mon univers paisible donc, je suivais tout ce qui se rapportait à l’emploi, et en finissant par le suivi de ce qui se passait véritablement sur le terrain telles que des manifestations de chômeurs de tout bord : diplômés, docteurs, infirmes, porteurs de lettres royales, etc. Et j’en connais d’autres même, parmi ceux qui n’ont jamais pu manifester leur cas parce qu’ils n’arrivaient pas à se joindre entre eux pour constituer une cellule supplémentaire ajoutée à ce paysage contestataire montant, tellement dispersés géographiquement dans le pays. Celui des victimes du fameux programme « Programme National de Formation-Insertion PNFI » du CNJA (Conseil national de la jeunesse et de l’avenir), qui, une fois formées et ayant passé le stage de quelques mois, se sont vu leurs postes auxquels elles étaient destinées dans des communes ou des institutions publiques de l’État, déjà pourvus ! 

« Vendus » !

Si je devrais reprendre texto des propos d’une grosse légume et visage parlementaire connu de ce qu’on appelait « l’opposition » à l’époque et à en croire mon ami très intime, un autre chômeur de longue date qui plus est, plus âgé que moi et titulaire d’une licence en biologie, après moult déceptions à décrocher un poste quelque part dans une industrie ou un laboratoire, et piégé par les circonstances dures de la vie (perte des parents et l’avancée dans l’âge), s’est retrouvé exercer le métier de « fossoyeur » pour ne pas dire creuseur de tombes tout simplement pour pouvoir « salir adelante » comme disent les espagnols et survivre, et encore aidé en cela par un parent qui vivait de la sorte et qui a bien voulu partager avec lui la besogne se faisant vieillot. Avec une expérience similaire à la mienne avant la croisée des chemins entre nous, il avait fait ce PNFI et pas seulement ; ayant fini le stage pratique de quelques mois dans une institution publique, précisément dans le service des hygiènes dans la municipalité de la ville de Rabat où il devait se rendre et se débrouiller pour se loger durant cette période. Et le jour « j » donc, il était désagréablement surpris d’entendre explicitement et sincèrement l’amère vérité :

      -   « Rien à faire, la vérité est là ! Vos postes ont été simplement vendus » !

Il n’était pas seul à recevoir cette douche froide. Avec d’autres victimes, alors qu'ils étaient en train de se renseigner sur l’exécution de la suite du programme par l’intégration, en essayant de prendre contact avec des responsables du CNJA. Des propos aussi claires et directs de la bouche d’un parlementaire et cadre administratif connu comme adhérent au parti politique des « opposants », ne pouvaient trouver leurs explications que dans le contexte politique de l’époque qui allait apparaître au grand jour par la suite. Dans les hautes sphères du pouvoir, on préparait ce parti avec d’autres, à jouer le jeu de l’alternance dans le gouvernement entre 2 groupements politiques, manigance du régime pour apaiser les tensions sociales et montrer une certaine ouverture vers la transition à la démocratie vers la fin du règne de Hassan II. Conforté dans les informations qu’il aurait tenues, ce parlementaire pouvait se permettre le luxe de stigmatiser même indirectement, les services du fameux et fort ministre de l’Intérieur Driss Basri de l’époque, qui auraient vendu ces postes réservés initialement à des chômeurs formés à cet effet par el CNJA. Une telle déclaration aurait-elle été peut être interprétée aussi comme un acte de vengeance de politique politicienne.

Pire encore, un autre élu du peuple, de ceux bien actifs et qu’on voyait souvent à la télé pendant les fameuses transmissions directes des questions orales au Parlement, s’était montré solidaire avec ces stagiaires perdus et déconcertés ne sachant à quel saint se vouer, d’autant plus que parmi les bénéficiaires de ce programme figuraient des diplômés originaires de la région qu’il représentait, avait pris connaissance de tout le dossier et avait promis de « poser la question » imminemment au fameux ministre au cours de la séance des « questions orales ». Ben Voyons !

Bien sûr, est-il utile de rester cloué devant le poste de la télé chaque séance du mercredi, à regarder ces cirques joués « en live » entre les protagonistes dudit Parlement en y accordant l’espoir qu’un jour on écoutera la réponse d’un ministre face à la question supposée être posée ? Ni le problème était posé, ni une réponse était donnée ! Après la saisie de tous les éléments du dossier par ce dernier fervent représentant du peuple, que penser de ce qu’il en aurait fait ? Marchander vraisemblablement avec le ministre considéré pour en tirer une faveur. Le faire chanter sans doute sur le rythme de la déception des malheureux chômeurs formés ! 

 Imaginez l’intensité de la désillusion d’un « chômeur » parmi les vétérans dans sa ville et qui était à un pas de ..  sa salvation !!  Le Sisyphe de son patelin!

     Pour le rappel, non moins de 2000 jeunes diplômés en chômage de longue durée allaient ainsi pouvoir bénéficier d’une formation qualifiante complémentaire d'une durée allant de 3 à 9 mois et sur la base d’une prospection rigoureuse des besoins tels que l’on annonçait officiellement. « Former pour insérer de façon productive et non former pour former », telle a été la logique de base qui soutenait apparemment toutes les démarches entreprises dans le cadre de ce qu’on appelait PNFI dans le cadre du CNJA. Une démarche somme toute raisonnable car montrait a priori l’enjeu double : d’une part, combler  des carences au niveau de la fonction publiques en approvisionnant des services avec des fonctionnaire diplômés, et d’autre part rendre une part de sa dignité au jeune préposé (chômeur de longue date) qui se sentirait utile et en aucun cas que son État lui ait fait une faveur ! Quel double espoir !!

     Cette histoire ajoutée à la mienne que j’expose, et à des milliers d’autres, me ramène à cette institution une fois de plus, du CNJA (Conseil national de la jeunesse et de l’avenir) créée en 1991 en réponse à un début d’effervescence qui commençait à se faire sentir notamment dans le milieu des jeunes fraîchement sortis des universités qui s’ajoutaient chaque année aux précédents, et qui commençaient à subir directement les conséquences d’une suppression massive des postes d’emploi dans le secteur public, planifiée par des politiques économiques antérieures qui brandissaient le besoin de restructurer l’économie nationale pour l’adapter au marché mondiale mais qui répondaient en réalité aux exigences du FMI (Fond Monétaire International). Cet organisme a été présenté la première fois aux Marocains comme un outil qui allait mobiliser tous les pouvoirs de l’État pour caser chaque année un grand nombre de demandeurs d’emploi. Officiellement il a été chargé de contribuer à l'adaptation des systèmes d'éducation et de formation aux besoins de l'économie du pays, à  la préparation adéquate de l'avenir des jeunes marocains et à la réalisation de leur insertion dans le système productif national. Il devait participer d’une stratégie basée sur une conception décentralisée du développement et d’une approche régionale partant des spécificités et des besoins identifiés localement. A cet effet des sections ont été créées dans certaines régions autour du thème de la promotion de la création d’entreprises par les jeunes dans les Provinces correspondantes. Parmi les activités qui incombaient à ce conseil lors de sa création et stipulées dans le « Dahir » de constitution, on annonçait la mise en place d’une cellule d’aide et d’assistance aux jeunes promoteurs, l’organisation de séances de formation et les possibilités de financement de certains projets et ce par la mise à la disposition des jeunes du matériel nécessaire. On avait défini des zones d’actions prioritaires, des programmes pour l’assistance à la création d’entreprise, et pour la promotion économique en milieu rural. Quant au Programme National de Formation-Insertion (PNFI), il a vu la contribution des établissements relevant de la Direction de l’Enseignement Supérieur, de l’Office de la Formation Professionnelle et de la Promotion du Travail, et de la Direction de la Formation des Cadres.

    Malheureusement le CNJA lui-même s'est rendu à l'évidence et a qualifié, par la suite, la réalisation de son programme par une tâche ardue, pleine d’embûches en avançant des arguments comme la complexité des problèmes de montage des formations, la difficulté de cerner avec précision les besoins dans la conjoncture économique difficile qui a régné pendant cette phase de lancement. Et à cela s’ajoutait la contrainte du financement qui n’a pas suivi avec la rapidité souhaitée prétendait-il. C’est ce qui expliquait aussi selon le Conseil, la modestie des effectifs de bénéficiaires. Or, cet organisme avait commencé par des enquêtes nationales, tant auprès des jeunes chômeurs et diplômés, que sur l’encadrement des entreprises et le système éducatif ainsi que l’administration. Des enquêtes qui, nul n’a besoin de le souligner, ont permis de prendre de court les mouvements de protestations qui étaient en gestation en ce sens que, la majorité des  jeunes y mettait un grand espoir et devait une fois de plus attendre.

Attendre !

   En réalité, le CNJA n’a été qu’un organe par le biais duquel les autorités marocaines et les tenant du règne, voulaient dépolitiser et monopoliser la gestion du dossier par les pouvoirs publics, selon une étude publiée en 2007 sur une plate-forme de revues en sciences humaines et sociales. L’objectif du Conseil était la promotion de mesures qui stimulent l’autonomie de la jeunesse à l’égard du secteur public au moment de chercher un emploi, et l’intégration de chercheurs d’emploi de longue date comme actions prioritaires pour résorber ce malaise qui commençait à s’installer dans la société. En effet, la première étude de cet organe a été consacrée à « l’évaluation et l’identification de l’échantillon de la population concernée par le problème, s’arrogeant par-là la définition de la catégorie mobilisable au détriment des groupes revendicatifs. La concurrence entre ces derniers et le CNJA va rapidement se traduire par la dénonciation par celui-ci d’un supposé culte à la fonction publique des mobilisés, alors que ceux-ci vont critiquer les travaux du Conseil » pour reprendre la même étude. Finalement, pour sortir de l’impasse, les travaux du CNJA ont été considérés officiellement et déclarés comme ayant eu seulement un caractère de recommandation !! Si bien que son influence effective reste limitée à la création d’un consensus dépolitisé - pense-t-on - sur l’orientation que doivent suivre les politiques publiques en matière d’emploi. N'est-ce pas là un revirement par rapport au décret de 1991 ?

     Ainsi de « gouvernement » en « gouvernement » et de « Conseil » en « Conseil », et en attendant des jours meilleurs, personne n’est sorti de l’auberge.  Le dernier CCJAA (Conseil Consultatif de la Jeunesse et de l'Action Associative) qui a été approuvée en 2016 par le gouvernement de cette fois-là n’est autre que ce qui est resté du fameux CNJA.

    Alors, n’était-ce pas seulement un moyen d’amortissement de la pression populaire émanant de ces forces vives de la nation, constituées par des milliers de jeunes universitaires qui ne cherchaient qu’à participer au développement de leur pays en s’intégrant dans une vie active et aspirer à une situation sociale ; et qui ne prétendaient qu’à une indépendance de leurs parents, cette 1ère génération qui comptait en majorité sur l’appui de sa progéniture en qui elle avait investi faute de politique sociale juste la concernant après « l’indépendance » du pays ?

      Une manière de gagner du temps en laissant, faux espoir donné, cette jeunesse livrée à son propre sort, c’est-à-dire à se brûler les méninges pour se trouver des solutions elle-même, à être obligée de se recycler sans orientation programmée vers des nouveaux débouchés qui résultent faciles dans le métier de « marchands ambulants » dialectalement appelés « Ferracha » ou comme « chauffeurs de taxis », occupations émanant généralement du fief de ceux qui n’avaient pas eu l’opportunité ni la possibilité d’être scolarisés avant d’être diplômés, ou à s’entre-tuer entre ses composantes idéologiques qui naissaient déjà à l’université, d’une part, de vocation islamiste et donc fataliste, et d’autre part de factions de gauche mais ayant compris l'enjeu de la lutte des classes. Ou, à meilleur titre, et considérant le génie marocain, à s’aventurer dans l’entreprenariat en faisant prendre des risques à leurs entourages et familles ou en hypothéquant les propriétés de leurs logements parentaux.

     Moi, issu d’une famille nombreuse, ayant des frères et sœurs, dont la majorité au collège ou à l’université, ne pouvais m’aventurer dans la voie de création d’entreprise ne serait-ce que d’une manière informelle au commencement. Mon père me proposait souvent d’hypothéquer sa maison pour quelques millions de centimes afin que je monte un business  de commerce de produits paramédicaux, s’inspirant d’expériences de connaissances et personnes indépendantes. La chose que je refusais catégoriquement, conscient que lui-même, même arrivé à la retraite, ne pouvait pas terminer les travaux de construction du 1er étage sur un lot de terre qui , si ma propre mère n’était pas une dame préoccupée par l’acquisition de sa propre demeure au lieu de continuer à payer un loyer tant que son homme pouvait travailler, n’aurait pas eu la chance de nous permettre d’en bénéficier au cours de ce rare programme de la municipalité de l’époque, en postulant au nom de mon père qui s’absentait souvent, travailleur de chantier qu’il était de sa vie, et en « montant, descendant, allant et revenant » pour les démarches administratives. Une occasion en or où la municipalité a pensé à aménager de nouveaux quartiers et à vendre des lots à des prix convenables et répartis sur quelques années. Comment me serais-je permis de mettre en risque une maisonnette acquise avec tant d’efforts physiques, intellectuels, financiers et de souffrance aussi ; et cerise sur le gâteau étalés sur plusieurs années d’attente et d’espoir ? Si seulement cet État, avait pensé à faciliter des crédits sans intérêts à cette masse de mes paires, chômeurs de leur État et vivant tous dans les mêmes conditions sociales.

     Alors, privés de tous les éléments procurant un minimum de dignité et donc de liberté, n’est-il pas légitime l’exercice d’un droit d’exister en adhérant à la mobilisation et à la protestation ? A faire entendre sa voix par le cri à ceux qui justement écoutent mal les doléances du peuple.

      Bref, en arabe "Kam haajatan qadaynaaha bi tarkihaa!disent les « faqihs » (Maintes fois, on a traité des questions posées par un simple « laisser tomber » : si la traduction le permet !) ces disciples et oulémas de la « chariâa » musulmane. Une expression qui en dit long sur la manière de gouverner à la marocaine, le monarque ne se réclamant pas lui-même et dans sa constitution l« ’Émir des croyants » ?